Archives du Théâtre 140


La Compagnie Sladek au Théâtre 140, L'histoire du soldat



La Dernière Heure

2-2-1975

La Compagnie Sladek au Théâtre 140

L'HISTOIRE DU SOLDAT

Imaginons une bande dessinée aux personnages stylisés pour marquer une distance par rapport à la réalité commune et supposons que, brusquement, ces dessins, en couleurs, s'animent et vivent en relief sous nos yeux ébahis. C'est le spectacle miracle qu'il nous fut donné de voir grâce à la compagnie Sladek. En guise de phylactère, Jean-Jacques Charrière lisait avec expression la très simple histoire du soldat. Il fallait évidemment ne rien perdre du texte de C.F. Ramuz ni de la musique d'Igor Stravinsky, quoique les héritiers de Sophron s'en donnassent à cœur joie pour enluminer ces chefs-d'œuvre des prouesses des moindres muscles de leur corps, voire aussi pour rebrasser le symbolisme à fleur de peau de l'écrivain suisse.

Le soldat (Edouard Zlabek) dessine une image bougeante dont on ne se lasserait pas. Il effectue sur place une longue marche pour rejoindre sa fiancée. Hélas! le diable vient à passer et, comme il doit tromper, c'est congénital, il se déguise en vieillard (Milan Sladek) qui achètera le violon du soldat contre un gros livre censé procurer la fortune. Puisque nous sommes en plein conte de fées, l'allégorie du bonheur se nichera dans le violon, perdu bêtement, et le miroir aux alouettes se fera livre, genre traité d'effets de commerce, pour avoir tout ce qu'on veut, abondante nourriture, mais sans appétit. Le brave soldat devient très riche, mais, l'on s'en doute, il n'était pas heureux, il était mort parmi les vivants. Pour ravoir son violon, il doit passer par une série de péripéties, prétextes à personnages divers tenus, presque tous, par Milan Sladek et, pour la grâce avouée, par Julia Lindiq. Car Milan Sladek, metteur en scène et mobilisé constamment pour ses multiples rôles, tient aussi le rôle de femmes — pas précisément jolies, il est vrai — en digne inspiré du théâtre japonais.

Les scènes étaient parfaites d'illusions gracieuses et touchaient à certains moments à la plus envoûtante beauté.

Milan Sladek, toujours lui, pouvait abandonner ses masques, au demeurant très originaux, pour proposer son propre visage et adopter des expressions signifiantes avec la maîtrise révolue des vedettes du cinéma muet.

Caricatures, grands gestes désossés à la Daumier, couleurs et ballets font la fête aux coutumiers du théâtre, face à autre chose autre chose qui mérite grandement d'y revenir.

R.V.L.

Auteur R.V.L.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) "L'Histoire du soldat; Kefka et le cadeau; Kefka et la balle perdue"

Date(s) du 1975-01-29 au 1975-02-01

Artiste(s)

Compagnie / Organisation La Compagnie Milan Sladek