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Qui peut acheter un bébé pour 100.000 NFS? Et d'abord cela existe-t-il?



THEATRE 140

service de presse

saison 75-76

avant-première/"LEGERE EN AOUT"

Au THEATRE 140

Du 7 au octobre 75 à 20h30

Qui peut acheter un bébé pour 100.000 NFS?

Et d'abord cela existe-t-il?

Compagnie LES ATHEVAINS (Paris)

"LEGERE EN AOUT"

de Denise BONAL

Mise en scène de Viviane Théophilidès

La première affirmation du Théâtre 140 pour la saison qui commence n'est pas du tout dans la veine du théâtre expérimental qu'il a la réputation de présenter. Mais c'est une grossièreté que de vouer le 140 au théâtre d'éprouvette et à l'ange du bizarre, et c'est d'ailleurs le fait d'un public qui y met rarement les pieds.

"Légère en août", à Avignon, m'a passionné, fasciné, ému totalement, malgré le mistral qui en arrachait la moitié des mots... Dans ce spectacle, l'art réussit à se faire oublier et le style ne submerge pas le propos.

Jo Dekmine.

Un réquisitoire à partir d'un fait divers très répandu, écrit, mis en scène et joué par des femmes.

Elles sont cinq, enfermées dans un décor blanc, confortable, impersonnel. En petites robes infantiles d'uniforme, elles attendent ; l'heure du réfectoire, les apparitions de "Mademoiselle", la femme asexuée et aseptisée, gardienne de l'ordre et substitut maternel, autorié discrète et inflexible. Elles ont même le droit de sortir le dimanche pour aller à la messe. Qu'ont-elles fait, pour être pensionnaires de cet étrange couvent -tout simplement une clinique privée quelque part en province -?

Elles sont "tombées enceintes", elles n'ont pas pu se résoudre à se faire avorter, ou s'y sont prises trop tard. Alors, on leur a trouvé une solution : elles vendent leur enfant "sur pied", si l'on ose dire. On les cache - confortablement - jusqu'à la naissance, et puis elles s'en vont, avec l'argent du diable - inavouable -, orphelines du "fruit de leurs entrailles". Pendant ce temps, de l'autre côté de la cloison, des femmes attendent désespérément, mimant une grossesse difficile, l'enfant dont une autre accouchera pour elles. Quelle maternité gagnée par une comédie hystérique... Mais cela on ne l'a pas vu.. La pièce ne nous montre, en silence, que les manipulations d'argent, que l'attente au jour le jour, sans avenir, des "donneuses" - allons jusqu'aux pondeuses...

Denise Bonal, comédienne, écrivain, a eu envie de travailler pour ses soeurs comédiennes.

Elle est partie d'un fait divers -vrai- publié il y a 2 ans dans ELLE sous un titre qui paraissait provocateur: "J'ai vendu mon enfant". Et pourtant cela existe, et la force de la pièce est là, dans cette réalité inadmissible du commerce des corps. Elle est aussi dans la présence des femmes enfermées ensemble : cinq jeunes femmes démunies pour qui ce trafic est la dernière chance : même Ginette, la "femme mariée" qui a déjà vendu trois enfants pour pouvoir enfin "se garder" le petit quatrième et l'élever convenablement. Horreur? qui lui jettera la pierre? Florence, l'étudiante agressive, envoyée là par des parents à principes? Solange la petite esthéticienne crédule, Dominique, la comédienne entre deux tournées et deux "trous" de chômage? Minda, la gentille petite bonne portugaise qui tricote la layette pour le bébé de ses patrons -interdit! confisqué par Mademoiselle! - Entre elles, les tensions montent, les conflits éclatent ; tous les mots sont dangereux, on tourne en rond, on butte partout sur la maternité interdite : Sainte Mère de Dieu, anniversaire, birthday... tabou et obsession.

LEGERE EN AOUT: elles seront dépossédées de l'enfant qu'elles n'ont jamais nommé ainsi: c'était juste une bizarre et longue maladie. Lumière d'aoûts quelque chose sera peut-être définitivement cassé dans leur âme, mais elles ont été payées... Alors, il y en a une qui refuse, qui veut garder l'enfant, rembourser; trop tard, il est déjà vendu.

Mais la machine s'affole; Mademoiselle est débordée; peut-être que cette fois ça marchera pas? Or ça existe, et continue à exister.

Elles sont cinq à vivre cette réclusion, jeunes, pour la plupart, Florence, la contestataire (Anne Marie Lazarin), se ronge les ongles, s'acharne contre ce vernis de sécurité apparente qui les enveloppe toutes; coléreuse, impuissante, son ironie frappe de plein fouet l'optimisme de façade qui est inscrit au fronton de l'établissement. Il y a aussi Ginette (Lise Martel) soumise, désignée, récupérée, pleinement satisfaite de son sort, et qui en est à sa troisième naissance clandestine. Est-il même question d'hésiter, entre un bébé abandonné et l'ouverture d'un compte d'épargne?

Dominique, la comédienne (Dotty Raffaeli) considère comme incompatible le fait d'être mère, et sa passion pour le théâtre, les deux dernières sont aussi les plus émouvantes; Minda, la Portugaise, immigrée clandestine (Dido Lykoudis) une espèce d'ange fragile, consciente brusquement de l'acte horrible qui lui est demandé, incapable d'y faire face autrement que par le suicide, et Solange, la nouvelle venue (Marie Tikova) gamine sans défense que tout effraie, et qui ne proteste pas trop lorsqu'on la manipule.

Oui, si étrange que cela puisse paraître... Il est en France - et dans d'autres pays - des médecins qui n'hésitent pas à servir d'intermédiaire entre de jeunes femmes pauvres et des femmes riches stériles.

Au THEATRE 140

du 7 au 19 octobre à 20 h30

LEGERE EN AOUT

par la Compagnie des Athevains

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) Légère en août

Date(s) du 1975-10-07 au 1975-10-12

Artiste(s) Les AthevainsDenise Bonal

Compagnie / Organisation