Archives du Théâtre 140


Le '140' devra-t-il se mettre en grève pour récupérer le million qui lui est dû? Et pourtant sa saison 1975-76 est musclée



Le Soir

1-10-1975

Le « 140 » devra-t-il se mettre en grève pour récupérer le million qui lui est dû? Et pourtant sa saison 1975-76 est musclée

Jo Dekmine est déçu. Devra-t-il sacrifier sa saison 75-76? Menacé d'endettement, obligé de jouer les coureurs de marathon du portefeuille déserté, contraint de pratiquer sans cesse le coup de fil de détresse, ou, pour obtenir de l'argent, à faire antichambre... le directeur du théâtre 140 est fatigué de devoir demander un « effort aux tartines » aux Jérôme Savary, Living Théâtre et autres Café de la Gare.

On lui doit un million. Il le réclame aux pouvoirs publics. Alors que le « Mickery » d'Amsterdam est en conflit constant avec ses officiels, il bénéficie pourtant, pour fonctionner, de quinze millions par an. C'est la raison pour laquelle, cette année, Dekmine pousse ce cri d'alarme : « Est-il encore important, et pour qui, de faire respecter le « 140 » et son rôle spécifique? Si le « Mickery » a le privilège de donner deux spectacles par soir, la ville a les moyens de les publier et de les afficher. J'ai le sentiment de n'avoir ni l'un ni l'autre. » Saison difficile donc et pourtant courageuse, le théâtre en particulier. En voici les différentes facettes : du 7 au 13 octobre Légère en août par la compagnie « Les Athevains » de Paris.

Ou, comme le dit Dekmine, « Si Cayatte avait du talent ». Ce spectacle grave et séduisant que le public a découvert à Avignon avec passion, aura connu la consécration de la presse quelques mois plus tôt à Paris, dans des conditions d'hébergement bien moins confortables! Le public n'était pas encore au rendez-vous. C'est un peu le phénomène du « Nuage amoureux » qui fit également à Avignon sa première carrière commerciale évidente, après le Théâtre de la Cité universitaire.

Avec Laurent Terzieff

Même chose pour la Compagnie Pip Simmons de Londres, si souvent invitée au « Mickery » à Amsterdam et dont Avignon révélera An die Muziek à l'échelon européen, un spectacle maudit, dérangeant, sur l'univers concentrationnaire, que s'arrachent maintenant les maisons de la culture en France, Venise Francfort, Munich, les pays de l'Est...

Les Emigrés, de Mrozek, se joue en ce moment à Paris au théâtre d'Orsay avec Laurent Terzieff et Gérard Darrieu. Le « 140 » accueillera la mise en scène de Roger Blin en novembre.

Les Mirabelles ont fait en Avignon off — au Cirque du Mont de Piété — le gros succès de minuit (6 h 30 Alberto Vidal, 8 h 30 L'apologue, d'Azertiope, 10 heures Arrabal par Arrabal). Il était question de présenter l'addition de ces spectacles comme un tout indissoluble ; chapiteau au bois de la Cambre, tant de millions, encore les grosses opérations! Heureusement le petit trust a échoué et « Les Mirabelles », miracle individuel évident, seront pour six jours au « 140 » en novembre.

La Compagnie Tenjo Sajiki dans Bandages en décembre, c'est aussi le relais de Nancy, de Paris, d'Amsterdam.

Pour parler de Nancy et des découvertes qu'on doit à cet étonnant festival, deux projets à matérialiser : le Theatro Della Maschera de Rome, et, lié au bon vouloir des accords culturels belgo-tchéco-slovaques, Divadlo Na Provasku dans Adam et Eve.

Folk-song international

Les 17 et 18 octobre, un festival de folk-song. Des Indes aux Etats-Unis en passant par l'Angleterre et l'Ecosse, l'Irlande, la France, la Flandre et la Wallonie, le Sénégal, l'Afrique du Nord...

Un festival urgent à Bruxelles dont le public francophone ne connait sans doute que six noms folk entre les deux cents noms de la pop music. De Snaar : la renaissance du folk flamand (du XIVe s. au XIXe s., folklore wallon et français). Ces groupes qui ressuscitent les airs du passé et ont l'âge des musiciens pop et Le Violon dingue, folk wallon « dansant » : les chansons en sabots ressuscitées par la génération de la pop music. C'est là un des miracles de ces dernières années. Après mai 68, les célébrations rock, de jeunes musiciens imprégnés de ce monde-là, exhument avec une joyeuse détermination les vraies ballades et airs à danser du XVe, du XVIe siècle; jusqu'au temps de nos arrière-grand-mères. En somme, leur répertoire s'arrête lorsque apparaît l'électricité. Le même jour, le folk anglais traditionnel avec le « The spinning wheel » de Londres (flûte, xylophone, guitare, piccolo, serpent, luth, clavecin, vocal...) et Dave Deighton (North of England) guitare, violon, banjo, vocal.

Les 24 et 25 octobre, Michaël Chapman et la musique des Indes du Nord avec Subroto Roy Choudhury, sitar Zamir Ahmed Khan, tabla.

Les 30, 31 octobre et les 1er, 2, 6, 7, 8 novembre, le ballet national du Sénégal.

Le 3 novembre, John Renbourn (ex-Pentangle) et son groupe.

Les 27, 28, 29 novembre, Steve Waring.

Du 26 décembre au 3 janvier, Jean-Baptiste et Victoria.

Les 23 et 24 janvier, Jack Treese, City Waites et du folk arabe.

... et le Magic Circus

Du 16 au 20 mars enfin, le Grand Magic Circus quittera le chapiteau pour le théâtre avec Les grands sentiments, le dernier spectacle burlesque de Jérôme Savary, que le Magic crée à La Rochelle en novembre et joue à Londres, au Rondhouse, en décembre.

Telle est cette saison 75-76, combative malgré l'urgence financière. Mais on sait que Dekmine, ceux qui l'entourent, le défendent et le respectent, n'ont nullement envie, comme lui, de tomber dans l'anonymat de l'agenda.

ANDRE DROSSART.

Auteur André Drossart

Publication Le Soir

Performance(s)

Date(s) 1975-10-01

Artiste(s)

Compagnie / Organisation