Archives du Théâtre 140


'Bandages' au 140: des p'tits clous, des p'tits clous…



Le Soir

11-12-1975

« Bandages » au 140 :

des p'tits clous, des p'tits clous…

Terayama, le metteur en scène de « Bandages », que présentait le « 140 », mardi soir, est le réalisateur d'un film que le « Ciné-Club de Minuit » programma voici deux ans « Jetons les cahiers et sortons dans la rue ». Petite référence qui pourrait éclairer quelque peu la lanterne de ceux qui pourraient se demander pourquoi le cinéaste s'est tout à coup tourné vers la scène. On l'ignore et ce n'est certainement pas « Bandages » qui pourrait conforter son image de marque.

Tout ici est clinquant, artificiel, plaqué, démonstratif. A défaut de pratiquer le japonais, donc d'entrer dans le sens même du propos et de sa signification, il ne nous reste qu'une solution : juger un style. « Bandages », à cet égard, répertorie dans la sophistication tous les clichés d'une avant-garde nombrilique et vaine. L' « épate » fonctionne à pleins tubes à l'instar d'une musique sans queue ni tête distillée à grand renfort de trucs par un mauvais Morricone nippon. La mise en scène est à l'avenant, éclatant les perspectives, pétaradant dans tous les azimuts et agencée dans une structure d'une sophistication glacée. Les tableaux dès lors se succèdent, hargneux et agressifs dans une indifférence morose. On voudrait s'intéresser à cette démonstration où les costumes et les accessoires — caisses, clous, hauts-de-forme, statuettes symboliques, gadgets métallisés, échelles, feux de Bengale, gaz — sont autant d'éléments moteurs d'un spectacle en délire. C'est inutile. C'est une foire du Midi sans l'odeur des beignets et sans — au grand jamais — la moindre motivation. Ici on gueule, on vocifère, on exprime dans le luxe un vide ronflant et béat. Donc on ne dérange même pas.

Les comédiens ont énormément d'abattage car « Bandages » possède au moins cette qualité, d'être rodé infiniment. Pour le reste, il leur manque tout.

Et on en vient à regretter cet autre spectacle japonais qui, lui, possédait une tout autre envergure : Red Buddha.

ANDRE DROSSART.

Auteur André Drossart

Publication Le Soir

Performance(s) Bandages. A Journal of the Plague Year

Date(s) 1975-12-09

Artiste(s) Tenjo SajikiShuki Terayama

Compagnie / Organisation