Archives du Théâtre 140

La Cité

11-12-1975

Style et violence

Le théâtre Tenjo Sajiki

au Théâtre 140

Pour une soirée seulement Jo Dekmine a présenté au 140 et avec la collaboration du Mickery Théâtre d'Amsterdam le Théâtre Total Tenjo Sajiki qui interprète une spectacle anciennement intitulé « Bandages », actuellement prénommé « A Journal of the Plague Year ». Spectacle écrit et réalisé par le cinéaste Shuki Terayama.

Bruit et fureur : l'expression shakespearienne peut fort bien définir le caractère de ce théâtre où règnent la transe, le déchaînement, le paroxysme et... les décibels.

Un acteur apparaît qui enfonce un clou avec un marteau au centre de la scène. Terayama s'explique ainsi : « Les portes des maisons où vivent les victimes de la peste étaient toutes condamnées par des clous, et une nouvelle vie commençait derrière ces portes ». Si le marteau apparaît comme l'accessoire privilégié du spectacle, il n'est pas le seul et il y a même ici des objets compliqués en forme de radars où évoluent des acteurs qui sont d'ailleurs souvent éparpillés dans la salle.

Inutile de préciser que les clés nous manquent nous pénétrer les différents aspects de cette représentation où le texte joue un rôle quoique non prépondérant. En revanche, il ne faut pas être un spécialiste de la culture japonaise pour apprécier le degré de perfection et de rigueur de ce style où le moindre geste et la moindre expression sont extraordinairement contrôlés, expressifs. Ce « langage » plastique est tout aussi fascinant dans les moments de lenteur hiératique que dans les instants où se déchaîne la violence la plus frénétique.

C'est un « théâtre de la cruauté » tel que le rêvait Antonin Artaud qui nous est proposé ici. On y trouve une surenchère assez terrifiante dans l'expression du de la violence. Théâtre qui se veut répercutant la violence et l'absurdité mêmes de notre monde.

J.L.