Archives du Théâtre 140


À propos de 'Morte della Geometria'. Un public sans curiosité



La Libre Belgique

29-1-1976

A propos de « Morte della Geometria »

UN PUBLIC SANS CURIOSITE

Parfois, l'on a envie d'applaudir le public, parfois de le gifler. Qu'il aime ou n'aime pas le spectacle, la moindre chose que l'on soit en droit d'attendre de lui, c'est le respect du travail des acteurs et le respect du spectateur qui écoute et regarde.

Voulant témoigner des recherches contemporaines dans le théâtre, Roger Domani a invité à Bruxelles des troupes peu connues, sauf de quelques initiés. Trois troupes étrangères, trois belges. Comme ce « festival » se déroule autour d'un événement bien précis : les vingt-cinq ans d'un théâtre d'avant-garde (mot galvaudé qu'il faut bien employer faute d'en trouver un autre), il est évident que les spectacles invités s'inscrivent dans la recherche. Le Théâtre de Poche est aussi le théâtre expérimental de Belgique.

Que s'imaginent ces gens qui viennent voir « Morte della Geometria » par le groupe Ouroboros de Florence, ou « Intro-Phaedra » par le groupe Ourva, ou le travail du Plan K. ou celui de l'Ensemble Mobile? Ont-ils la moindre idée de ce qu'est la recherche au théâtre, comme dans la musique ou la peinture?

Mardi soir, Ouroboros présentait son spectacle au Théâtre 140. Avec un certain retard, soit! Mais il suffisait de voir la complexité du décor et les premières phases du travail d'Ouroboros pour comprendre que les Florentins ne peuvent rien laisser à l'approximation; que ce qu'ils exigent d'eux-mêmes mérite une certaine considération.

Que viennent faire dans un festival de ce genre des spectateurs sans aucune curiosité? Qu'ils aillent voir une bonne pièce de boulevard, personne ne le leur reprochera. Il y a un théâtre de divertissement qui remplit parfaitement son rôle; il y a même cette sorte de théâtre qui leur donnera l'illusion qu'ils ne sont pas bêtes; il y a même du très bon théâtre un peu partout, sans sortir de Bruxelles. Mais, de grâce, qu'ils ne se croient pas obligés de voir « Morte della Geometria ».

La représentation donnée par le Groupe Ouroboros n'est cependant pas inaccessible au public tout court. Simplement, elle use d'un langage visuel et sonore qui est plus proche de l'art abstrait ou de la musique sérielle que de la peinture figurative ou de la musique concertante.

Certains, pour évoquer le plaisir donné par « Morte della Geometria » ont évoqué l'univers de Paul Delvaux. A cause de la linéarité visuelle de l'action (ou des signes). On pense également à Klee.

On regarde. On aimerait regarder sans avoir à subir les ricanements d'une partie de la salle.

Bruxelles, centre mondial du théâtre pendant quelques jours? En voyant l'accueil du public on se dit que la formule est exagérée.

J.S.

Auteur J.S.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Morte della Geometria

Date(s) du 1976-01-27 au 1976-02-04

Artiste(s) Ouroboros

Compagnie / Organisation