Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

18-3-1976

AU THEATRE 140

Le Grand Magic Circus

Pour Jérôme Savary, il n'y a sûrement aucune honte à se copier. Aussi, est-ce sans vergogne que nous reproduisons, au hasard, ce que nous avons écrit à propos d'un précédent spectacle du Grand Magic Circus.

« Une petite troupe de music-hall austro-parisienne se trouve bloquée... » (le lieu à changé). « Elle va dérouler sous nos yeux la bande dessinée de... dans un désordre fou-fou ... dans une confusion joyeuse, une satire impertinente, un jeu de massacre dont la « fête », en fin de compte, laisse dans la bouche un goût d'amertume et de scepticisme... Cela dit, le spectacle est fait de rythme, d'invention, de folie, d'outrances qui s'annihilent l'une l'autre, de simplifications de parade foraine, de caricatures puériles, d'un foisonnement trépidant de scènes et de mots. On se laisse emporter par ce fleuve qui charrie, dit-on, une contre-culture. Et tout cela enrobé dans un feu d'artifice joyeux et délirant qui, comme le délire et la joie des clowns, laisse percer un fond de tristesse... La qualité du spectacle réside dans cette constante éruption de couleurs, de sons, de grimaces, d'attitude, de réplique de costumes (etc, etc...). Tout cela avec une absence de prétention, de rhétorique, de « messages », qui est bien sympathique. Tout n'est pas réussi pour autant; il y a des moments gratuits, longuets, simplistes, dans ce « feu de camp burlesque »...

Comme « De Moïse à Mao » faisait table rase des mythes dont l'homme se nourrit depuis 5 000 ans, le présent spectacle pulvérise « Les grands sentiments ». Entreprise ambiguë, qui permet d'inclure quelques morceaux racoleurs.

Enorme talent chez deux ou trois acteurs de ce Living Theatre qui ne se prend pas au sérieux. Quelques moments sublimes dans la dérision. Quelques scènes volontairement crapuleuses. Au risque de faire rigoler Jérôme Savary, nous pensons qu'il ne démériterait pas aux yeux de son public en coupant quelques passages dignes d'une Saint-Verhaegen organisée par des inconditionnels de « Charlie Hebdo ».

A déconseiller aux moins de 18 ans.

J. S.