Archives du Théâtre 140


Présenté par le '140', El Teatro Campesino



La Cité

29-9-1976

Présenté par le « 140 »

EL TEATRO CAMPESINO

Une troupe de théâtre politique venue de Californie...

On pouvait s'attendre à un spectacle intellectuel, joué, en anglais et monté par un metteur en scène universitaire, dans le style de Bertolt Brecht. En fait, ce n'est pas du tout cela.

Le groupe de comédiens-musiciens-chanteurs, d'origine mexicaine, s'appelle « El Teatro Campesino ». (Campesino : paysan ou plutôt ouvrier agricole.) Et le spectacle, mimé, chanté, joué, principalement en espagnol, avec un peu d'anglais et quelques mots de français, nous raconte simplement la vie d'une famille mexicaine, sous forme d'une chronique. On les voit pauvres, au

Mexique, puis passer en fraude aux Etats-Unis.

Là, c'est en ramassant des pommes de terre pour un patron de caricature, que le Mexicain fait la cour à une ouvrière. Après le mariage, la femme attend un enfant... et en met au monde : sept!

C'est par toute une série, de faits, parfois gais, parfois tristes, que cette histoire se déroule, en abordant plusieurs thèmes. Ces thèmes s'étendent de l'exploitation du travailleur par le patron plein d'argent, jusqu'à l'espèce de syncrétisme entre les religions précolombiennes et catholique les gens invoquent aussi bien la Sainte Vierge que Quetzolcootl (le dieu serpent ailé), en passant par la condition féminine, les grèves et le travail des enfants.

Le plus intéressant à observer est le langage employé. Ce théâtre, populaire et spontané, s'exprime dans la tradition italienne de la « Commedia dell'Arte », avec les mêmes principes de base: personnages caricaturés, expressions exagérées, parfois emploi de demi-masques, et surtout la même ambiance, le même esprit que la Commedia dell'Arte : un théâtre joué pour le peuple et par le peuple, simple et accessible, un théâtre joyeux malgré les misères qu'il raconte, ne se prenant pas au sérieux et se moquant de lui-même, qui trouve toujours le moyen de « finir bien ».

Mais dans la version latino-américaine, et contemporaine, les personnages ne sont plus Arlequin, Pierrot et Colombine, mais le patron, le travailleur, la mort omniprésente (très espagnole), le gréviste.

Le jeu d'accessoires aussi est remarquable : la corde — par exemple — est successivement symbole du mariage, de la domination du patron sur l'ouvrier, frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, autobus, accompagnée d'un pneu de voiture, téléphone ou chapelet. De même, ce qui tient lieu à la fois de décor et de coulisses, un rideau formé de sacs de produits agricoles, comporte des ouvertures qui sont tantôt guichet de poste, tantôt fenêtre du bar.

En gros, voici du vrai théâtre politique populaire. Ce que rêvait de faire Bertolt Brecht...

Auteur

Publication La Cité

Performance(s) The Tent of the Underdogs

Date(s) du 1976-09-23 au 1976-09-25

Artiste(s) Teatro El Campesino

Compagnie / Organisation