Archives du Théâtre 140


'The white horse circus' (par le 'Bread and Puppet Theater')



La Dernière Heure

30-9-1976

Au « 140 »

« The white horse circus »

(par le « Bread and Puppet Theater »)

Quand Jo Dekmine, directeur du théâtre « 140 », programme un spectacle, on peut toujours se dire qu'à un moment ou l'autre on sera piégé. Avec le « Bread and Puppet Theater » présentant son « White horse circus » il en a été une fois de plus ainsi. Messes basses et messes hautes se succèdent, du ton badin à la gravité, avec l'humour que l'on peut porter à une hache à double tranchant ou à une tranche de glace, à la fois vanille et moka.

Sommes-nous en face, dès la première partie du spectacle, d'un constat d'ironie qui doit mener à l'émotion â l'état pur? Est-il possible que les héros d'une même compagnie théâtrale puissent être aussi enfantins, aussi peu « aboutis » dans leur premier show pour atteindre soudain à la poésie universelle après un entracte qui, décidément, peut apparaître comme une astuce supplémentaire pour mener le spectateur à bonne fin?

Nous avouons notre désarroi, car, à l'entracte, nous serions peut-être partis sans remords ne trouvant nul plaisir aux gags éculés, traînant dans les arriére-salles de tous les cirques du monde depuis que cirque il y a. D'abord, le » White horse circus » nous apporte le triomphe de la dérision, de la médiocrité mise en fanfare, qui fait rire le public le plus bienveillant du monde qui est bien celui du « 140 ». Mais, sans doute, est-ce nous les habitués du « cirque-virtuose » qui sommes absurdes et qui n'avons pas l'humour en tête. Qui sait où la bêtise va se nicher. Peut-être chez les gens sérieux et les critiques qui prétendent l'être et ne trouvent nul plaisir à des parades éculées qui rappellent les petits livrets que l'on distribuait aux boys-scouts pour ne pas trop « rater » le feu de camp terminant le camp de vacances.

Quoi qu'il en soit, le meneur de jeu, Peter Schumann, qui n'oublie jamais (hélas! parfois) qu'il est aussi un militant luttant pour la liberté portant à gauche (comme chacun sait) est astucieux. Il fait glousser des intellectuels souvent analphabètes, conditionnés d'avance à toutes les allégories faciles. Mais, clic clac, le décor change, les trompettistes amateurs, les clowns incapables d'être clowns se transforment en mimes avertis, en comédiens habiles.

Derrière les masques et les amples vêtements blancs de la tragédie se joue l'éternel jeu des bons et des méchants. Désormais, les masques en carton-pâte ont une signification métaphysique. Le néo-romantisme débouche sur le talent, sur un théâtre en noir et blanc, beau comme l'antique, beau comme les lendemains qui chantent. Quelques tableaux vivants (la formule est pourtant éculée) vous réconcilient avec « la lumière simple qui s'élève de l'obscurité compliquée ».

Merci à Schumann (et à ses compagnons) qui a fait ses classes de happening à New York pour sa leçon de simplicité et de talent. Mais il faut aller jusqu'au bout pour y croire.

A.V.

Auteur A.V.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) The White Horse Circus

Date(s) du 1976-09-28 au 1976-09-30

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Bread and Puppet Theater