Archives du Théâtre 140


Sept méditations sur le sado-masochisme politique (par le 'Living Theatre' de New York)



La Dernière Heure

28-1-1977

Au théâtre 140

Sept méditations sur le sado-masochisme politique

(par le « Living Theatre » de New York)

Méditation... silence d'une quinzaine de minutes avec au maximum trois ou quatre mots d'interruption. Cela met le public en condition orientale, de gré ou de force, pour le conduire à la position du lotus. Le spectateur s'y est plié de bonne grâce sachant à quoi s'en tenir quand il s'agit du « Living Theatre », rappelez-vous « The Brig ».

Nous nous demandions au départ ce que cela pouvait avoir de valable sur le plan scénique, car en somme notre souci de critique se porte à la fois sur le triple plan esthétique, éthique et ludique. Nous pensions à établir un parallèle avec la poésie concrète, spatiale, visuelle, puis nous avons trouvé ta comparaison plus juste avec une messe, le retour à la vocation mystique du théâtre, une mystique avec une symbolique, une liturgie, de l'incantation et même de l'encens ; tant et si bien que la pièce trouverait toute sa force sur le parvis de l'église voire même à l'intérieur des nefs les plus vénérables.

Mystique particulière, exorcisme dont le démon prend visage de l'Etat, de cet Etat contraignant, baignant dans un bouillon de culture sado-masochiste qui prône le travail de la plupart pour le bien-être de certains, qui freine la sexualité en liberté, tord le cou à Wilhelm Reich, piétine les idées d'Iwan Illich et sa « Convivialité », aboutit à la torture comme aux guerres, car la souveraineté sacro-sainte justifie tous les moyens.

Savez-vous qu'à 16.000 F par mois, vous vendez quarante ans de votre vie pour 7.680.000 F? Le « Living Theatre », qui a également payé de sa personne par de l'emprisonnement, n'hésite pas à dénoncer le système dans les pays où cette troupe, pénétrée de sa mission exerce son... sacerdoce.

Ses moyens de persuasion font appel au mime, à la litanie, à la prière marxiste comme aux images dérangeantes nous extirpant de notre laisser-vivre douillet. Il n'est que de citer ce moment atroce où l'on déshabille complètement un comédien pour lui appliquer aux parties génitales des électrodes à électrochoc, appareil vendu dans le monde de la torture, comme les tristement célèbres cages à tigre où l'on enfourne les prisonniers dans différents endroits du monde sont fabriquées en séries...

Quelle leçon tirer pour nous, Belges, gagnant en moyenne 16.000 F par mois et - TV, frigo, voiture - vivant somme toutes pas mal, n'ayant pour gros problème que nos querelles linguistiques et la résorption du chômage? Etre chômeur en Belgique est pour certains bien moins grave qu'on ne l'imagine. Faut-il nous secouer de la torpeur toute nationale et nous rendre solidaires des mondes opprimés, hissant, comme en mai 68 l'« imagination au pouvoir » avec pour arme... l'utopie? Bravo pour cette troupe engagée, courageuse et apportant une forme d'art irritante parfois, sacrificielle sans

doute, nouvelle sûrement!

R.V.L

Auteur R.V.L.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) [sept méditations sur le sado-masochisme politique: création collective]

Date(s) du 1977-01-25 au 1977-01-30

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Living Theatre