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The Dream of the Ridiculous Man. Le nouveau spectacle total de la Pip Simmons Company détraumatise à la fois les comédiens et le public



THEATRE 140

Saison 75/77

Service de Presse

Avant-Première

Prière d'insérer svp

Au Théâtre 140

du 15 au 19 février à 20 H 30

après AN DIE MUSIK...

THE DREAM OF THE RIDICULOUS MAN

(le rêve de l'homme ridicule)

le nouveau spectacle total de la PIP SIMMONS COMPANY

détraumatise à la fois les comédiens et le public

Le nouveau spectacle de la compagnie Pip Simmons "The dream of the ridiculous man" (Le rêve de l'homme ridicule) se différencie "An die musik" par la liberté réelle que retrouve le public, fasciné toujours, mais détraumatisé. La mise en condition par le thème insoutenable des camps de concentration faisait de "An die musik" un spectacle pour minute de silence que nous respections, pétrifiés de respect et d'horreur.

Ici, la même force créatrice et le même talent sont dépensés sur un thème moins dirigiste et qui fait réellement appel à notre imagination.

Finis les dossiers 40-45, le document effroyable, le Kapo et les victimes, le monument aux morts, la poignée à laquelle s'accrocher est moins visible et l'on hésite sans arrêt entre la tendresse, le rire et le désarroi.

Deux mois avant de reprendre "An die musik" à Paris puis au 140, ils créent "The dream of the ridiculous man" d'après Dostoievsky qui apparaît plus comme un cri de délivrance qu'uniquement une oeuvre de joie. Pour Pip Simmons, l'homme vit toujours dans une sorte d'enfer absurde et comique, mais avec des trêves, des grandes vacances qui mélangent la tendresse et la paranoïa, l'humour et la schizophrénie.

Cet étrange show musical

qui est d'ailleurs une leçon de vrai théâtre, met en pièces tous les clichés du bonheur au profit d'un autre bonheur, torve mais réel, qui tiendrait compte de la vraie nature de l'homme. Nous nous refusons à appeler ce spectacle une comédie musicale bien qu'il en aie tous les ingrédients (sans aucun dialogue parlé). La compagnie Pip Simmons procède ici par "tableaux", joue sa propre musique sans arrêt comme déjà dans "An die musik", chante et se lance a corps perdu dans la danse et l'acrobatie.

Mais leur spectacle a toutes les exigences et les motivations du théâtre. Un théâtre d'une lucidité instinctive qui décortique nos mécanismes caractériels. En clair, ce n'est pas précisément à un spectacle de Broadway ou au Show boat de Disneyland que nous avons affaire, voilà une raison raisonnable d'écarter un public trop jeune qui risquerait d'y trouver risible ce qui est émouvant de ne pas bien percevoir ce qui est réellement drôle, peut-être même d'être inutilement choqué. Donc, réservé aux étudiants et aux adultes.

Le spectacle

"... au fond de la scène, sur un écran, est projeté en gros plan le visage d'un jeune homme effaré, environné de musique douce. Devant, une fille couverte d'un vieux manteau trop grand, attend. Dans la salle, errent, silencieux, des clochards britanniques, ils ont le regard en biais et sur les lèvres le sourire menaçant de qui va exiger l'aumône. Quand tout le monde est assis, arrive le jeune homme dont le visage est projeté en gros plan. Il est un peu ébouriffé, très timide, serré dans des vêtements pauvres. Il est candide, angélique, il se cogne partout, s'excusant d'exister. Accompagné par des chanteurs façon trio-crooner des années 60, il cherche la vérité "il est dur d'être seul à connaître"..., traverse des rues pleines de violence, pense au suicide, s'interroge sur la réalité et le rêve...Pip Simmons a pris la nouvelle de Dostoievsky, le rêve de l'homme ridicule, et l'a adaptée à sa manière, qui est de tirer chaque situation vers l'équivoque la plus provocante. Son héros aux joues enfantines, rêve que vient le trouver son double-contraire, un Dracula musclé, acrobate, exagérément viril, juché sur des échasses cloutées comme un blouson de rocker. Ce diable noir l'aide à se donner la mort, lui laisse sa place dans un cercueil, l'emmène jusqu'au paradis. Le paradis est un music-hall miteux où, sous des étoiles scintillantes, entre des palmiers de carton, des filles aux seins nus et des hommes en collier à fleurs jouent une doucereuse musique des îles. On lui sourit, on lui tend les mains. Il essaie de danser, d'être avec les autres... Pauvre maladroit! Au sirop trop sucré succèdent les décibels du rock, la révolte de pacotille, une vulgarité désespérée. Les filles s'habillent en stripteaseuses, enfilent leurs bas troués avec des gestes lacifs, autour de Dracula - pop star. Le jeune homme, l'éternel déraciné, le crucifié de tous les temps, sort de son rêve, mais se cramponne à ses illusions "J'ai vu de mes yeux que les hommes pouvaient être heureux, le paradis dépend de chacun de nous..." Pauvre prisonnier, aliéné dans ses rêves au rabais. Avide de chaleur amicale, il doit se contenter de charité méprisante, de ramasser les sous que les autres lui lancent. On ne trouve pas ici la brutalité du "Rêve d'Anne Franck", "An die musik", mais un même désespoir qui dérange terriblement, car il use des formes de la nostalgie attendrie pour crier l'horreur de soi et d'un monde où l'on ne peut pas être soi, où la vérité de soi est toujours masquée. Que les masques soient jolis ou laids, où est la différence? Une telle volonté de creuser ses plaies serait insoutenable si Pip Simmons, n'était pas amoureux de la beauté et du théâtre, si son génie inventif ne jouait; pas sur l'ambiguité, s'il ne montrait pas toujours le risible et l'atroce avec un sens du grotesque-tragique tout à fait élisabéthain.

Pip Simmons marche sur la corde raide, il se met en danger, mais il dispose de comédiens extraordinaires qui savent tout faire et se contrôler. Ils ne se laissent jamais aller au pathétique: leur élégance leur permet de jouer la bassesse sans nous y entraîner. Le raffinement éclaire, dénonce et pervertit la trivialité: la trivialité éclaire, dénonce et pervertit le raffinement. Enfermé dans un cercle vicieux, Pip Simmons nous offre un passionnant spectacle..."

Au Théâtre 140

du 15 au 19 février 77 à 20 H30

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) The Dream of the Ridiculous Man

Date(s) du 1977-02-15 au 1977-02-19

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Pip Simmons Company