Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140, 'Adam et Eve'



La Dernière Heure

21-4-1977

Au Théâtre 140

« Adam et Eve »

Il suffit de connaître les trois mots tchèques « Am a Ea » et vous êtes mûrs pour suivre cette pièce tchèque de bout en bout. Talent, qualité d'exécution indéniable, esprit d'invention à profusion ; la Tchécoslovaquie - Hus, Parler, Cernohorsky, Langer - a d'ailleurs eu toujours la réputation d'un pays riche d'idées, débordant de possibilités, à la pointe des audaces tant politiques que techniques. Toutefois, la normalisation de 1970, post-printemps, semble avoir asséné un coup dur aux domaines théâtre-cinéma, réduisant au silence des artistes d'envergure. Et pourtant, cette terre retournée, déchirée, crevassée veut germer quoi qu'on fasse, quoi qu'il arrive, de toutes les floraisons de trouvailles auxquelles on est accoutumé de s'attendre de ce côté de l'Europe.

Donc, quant à « Am a Ea », si vous savez qu'ils signifient « Adam et Eve », vous êtes prêts à recevoir tout un pan de l'Ancien Testament à la sauce tchèque. Celle-ci est assortie de mimes, de musique, d'acrobatie et de clownerie. Du Chaplin, Raymond Devos, Dany Kaye tout à la fois, dit-on, avec du Grock et du Max Brothers. Cela vous assaisonne abondamment l'histoire d'Adam et Eve qui se découvrent et découvrent la vie à la fois au point que deux envoyés de Dieu, nous serions tentés de dire deux suppôts, doivent leur montrer, non sans peine, comment enfourner un sandwich. On finit par s'en sortir et, malgré les scènes sempiternelles de la femme, tout irait pour une vie en rose. Hélas! ce couple charmant - car au premier abord la greffe de l'homme et de la femme est charmante — a été prié de ne pas prendre la pomme, pardon! de ne pas fumer la cigarette. Et l'on devine la suite : Eve tendit la cigarette à Adam, ils sont donc rejetés dans le monde qui est le nôtre sans le gros bon faux nez rouge de clown ni les chers et drôles de vêtements farfelus. On devient sérieux comme un pape. Bien entendu, cela donne lieu à une infinité de situations hilarantes ; Adam le pataud, plus balourd qu'Eve qui n'y va pas par quatre chemins, se servira d'une planche pour trait d'union périlleux entre les deux armoires de l'amour. Freud nous apprendrait qu'Adam manifesterait une fixation liant son érotisme au goût du risque.

Impeccable dans sa réalisation, cette pièce nous est donnée par le « Divaldo na Provasku », quatre comédiens, à savoir Bosleslav Polivka (également auteur et régisseur), Dagmar Blahova, Vladimir Hauser et Jaromir Tichy. Technique tout à fait au point, réglée comme une horloge, gestes sûrs, effets éprouvés réussissant le rire à chaque pirouette. Nous pensons à ce que pourrait donner une équipe aussi irréprochable si elle pouvait s'exprimer à plein sans avoir à se cantonner dans des sujets à « imprimatur » garanti pour de la gaudriole qui, dans ce cas-ci, tient du virtuose de haut rang.

R.V.L.

Auteur R.V.L.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) Am e Ea [Adam et Eve]

Date(s) du 1977-04-18 au 1977-04-22

Artiste(s) Divadlo na Provasku

Compagnie / Organisation