Archives du Théâtre 140


Au 140, Kiss Salome



La Libre Belgique

28-4-1977

Au 140

KISS SALOME

The Kiss Company, troupe anglo-néerlandaise ancrée à Rotterdam, présente actuellement au Théâtre 140, la Salomé d'Oscar Wilde, dans le texte anglais, sous le titre Kiss Salomé.

Ecrit à l'intention de Sarah Bernhardt, ce drame en un acte a été représenté en 1896 au Théâtre de l'Oeuvre, avec Lugné Poe. Oscar Wilde avait écrit la pièce directement en français et l'avait fait traduire en anglais par Alfred Douglas. La technique de Wilde semble dériver de celle de Maeterlinck dans Les sept Princesses; elle consiste à donner à chaque personnage, instrument du destin, une vigueur dramatique indépendante des passions environnantes. Les critiques ont longtemps discuté sur la valeur artistique de ce drame. Frank Harris, un ami intime de l'auteur, le considère comme une pochade d'étudiant, une sorte de plagiat.

Le public, volontairement limité à 80 personnes par soirée, se glisse en silence sur le plateau. Les parfums de l'encens, les lumières sourdes, préparent au grand jeu de cette Salomé où l'esthétisme, la théâtralité pure, la violence sournoise, le burlesque et la vraie beauté vont se conjuguer.

Le spectacle est orchestré par Jean-Baptiste Voos, le créateur de la compagnie Kiss. Entre cet étonnant faiseur d'images et les délires d'Oscar Wilde s'insinuent des personnages qui n'ont que de lointains rapports avec l'histoire de la princesse juive qui obtint la tête de saint Jean-Baptiste.

Dans Kiss Salomé, les personnages se dédoublent, comme dans un cauchemar; Salomé se confond avec sa mère Hérodiade; Jokanaan, prophète du désert, se confond avec Jean-Baptiste; la lune éclaire des corps décadents, des esprits égarés; l'amour engendre la mort, la danse est meurtrière. Et au plus fort du drame, alternant avec les imprécations et les anathèmes, une certaine dérision - bien calculée - fait brusquement déraper la scène, donnant au spectacle une autre dimension.

Nous ne prétendons pas avoir tout compris, ni même avoir été tenté de tout comprendre. Mais si, finalement, cette Salomé de Wilde, revue par la Kiss Company, prend le spectateur à la gorge, c'est qu'elle prend la forme d'une parabole déchirante sur l'amour impossible.

Le spectacle s'impose, par ailleurs, par la qualité exceptionnelle du travail des acteurs: un travail sur la voix, sur le corps, sur le geste, sur le costume.

Toute la groupe doit être citée: Frank Van Putten, Mac McDermottroe, Matthijs Rümke (Jokanaan), Richard Earthy, Jephe Goudsmit (Salomé), Martin Chambers, Suzanne Den Braber. Cependant, il faut mettre à la part la prestation éblouissante de Jephe Goudsmit.

En raison du climat décadent, mis en images avec crudité, le spectacle ne s'adresse qu'à un public adulte.

J.S.

Auteur J.S.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Kiss Salome

Date(s) du 1977-04-26 au 1977-04-30

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Kiss Company