Archives du Théâtre 140


Kiss Salomé



La Relève

6-5-1977

Kiss Salomé

Elle, Salomé, son trip, ce sont les prophètes. Et faute d'un prophète entier, une tête de prophète : Saint Jean-Baptiste, décapité à sa demande en récompense de la danse des sept voiles qu'elle exécute devant Hérode. Pour les Hollandais de la Kiss Company (c'est tout un programme) la tête sanguinolente du martyr est celle d'un mouton — fraîchement amenée des abattoirs d'Anderlecht (?) et ruisselante de sang : il faudra laver les voiles de Salomé pour la prochaine représentation.

Mais quels voiles! Et quelle danse! Salomé-Jephe Goudsmit l'avait bien méritée, sa tête. Même dans la pénombre, elle (Jephe) se révèle ravissante. Dommage quand même que le corps ne tienne plus avec la tête. Dommage pour Jean-Baptiste et pour tout le monde.

Les pages et courtisans androgynes s'agitent autour du « roi faible et caractériel » (je cite); leurs corps disparates de Hollandais et d'Anglais à la peau blanche sont eux aussi enveloppés de voiles transparents et révélateurs. Une féerie de mauvais goût (voulu) pour situer le monde de la décadence. The Kiss Company perce à jour les manières raffinées d'Oscar Wilde. On est bien loin en tout cas des illustrations d'Aubrey Beardsley.

Moralité : comme tout irait bien dans le monde des hommes, entre hommes, s'il n'y avait de méchantes femmes, troublantes et cruelles, les dévoreuses. Et la fille (Salomé) vaut la mère (Herodias). Comme tout irait bien, et comme on s'ennuierait à ne plus pouvoir jouer la tragédie. Ou la parodie de la tragédie, dans beaucoup d'encens.

Au Théâtre 140, The Kiss Company (compagnie anglo-néerlandaise de Rotterdam), « Kiss Salomé », mise en scène Jean-Pierre de Vos. A 20 h. 30.

Auteur

Publication La Relève

Performance(s) Kiss Salome

Date(s) du 1977-04-26 au 1977-04-30

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Kiss Company