Archives du Théâtre 140


'El Señor Presidente': un habit noir et blanc venu du Venezuela



Le Soir

26-5-1977

« El Senor Presidente » : un habit noir et blanc venu du Venezuela

« Rajatabla ». Mes notions d'espagnol m'empêchent de discerner dans le titre une intention précise du côté de la « table rase » ou, plus simplement, de la « rajatabla ». Allez savoir...

Voici donc un groupe, fort jeune, patronné par le gouvernement vénézuélien, orchestré par un metteur en scène rigide Carlos Jimenez, qui s'est déployé récemment à Nancy, au Festival du Théâtre, puis à Paris, à l'Espace Cardin. Et pour deux jours, à Bruxelles, au Théâtre 140.

D'après Asturias...

Un espace à l'italienne que la troupe redoutait, elle qui travaille généralement sur des profondeurs et des volumes aériens que, de toute évidence, le « 140 » rétrécissait.

Il n'empêche, « El Senor Presidente » est un objet plus que bizarre. Détaillé plus que senti. Manufacturé plus qu'investi et je ne suis pas certain que Miguel Angel Asturias, auteur « Nobel » emprunté pour la circonstance, y retrouve la base, les tourments ou les exactitudes de son propos.

Tubulures « design »...

Nous voici donc invités à suivre, disséminées dans une vingtaine de tableautins, les tribulations d'une société à travers le personnage

anobli, petit-bourgeois et dictatorial, de ce cher « Señor »... Rien de ce qui est stratégique ne lui est étranger. Les complots lui vont comme un gant. La démesure arriviste lui « botte » : il compile, il manipule, il s'installe.

Les autres, donc, seront du beau brouet dont il fera son pain quotidien avant de les laisser « out » pour le compte. Canevas connu, qu'un Brecht, dans « Combien coûte le fer », avait sublimé dans l'efficacité dialectique et la rigueur communicatrice.

« Rajatabla » fait l'inverse, pratique le tohu-bohu. Les comédiens se démènent, avec style mais sans procuration. Peines perdues que ces remue-ménage de soubrettes, de larbins, d'habits noirs et blancs, d'acolytes tous poils, de cousins et cousines, de Camila éperdue de candeur. Ça ne vaut pas tripette.

Même le décor (tables, chaises, assiettes) consiste en de joyeuses tubulures « design » sans intérêt. Quelques poupées, acariâtres et symboliques, magnétiques et exorcisées, viennent jeter un petit vent de poésie dans un ensemble tonitruant de vide.

Que Jo Dekmine ait invité ces Vénézuéliens en tournée confine tout bonnement à la politesse, voire à la diplomatie. Asturias n'était pas prévu.

ANDRÉ DROSSART.

Auteur André Drossart

Publication Le Soir

Performance(s) El Señor Presidente

Date(s) du 1977-05-23 au 1977-05-24

Artiste(s) Rajatabla

Compagnie / Organisation