Archives du Théâtre 140


Aux Halles de Schaerbeek, Women in violence



La Libre Belgique

1-6-1977

THEATRES ET CONCERTS

AUX HALLES DE SCHAERBEEK

Women in violence

New York : Eden ou Jungle, amène ou féroce, la Mégalopolis de tous les paroxysmes. Du Bronx à Queens, mille masques zébrés de néons, d'escaliers de fer, d'avenues tranchées au cordeau. De la crasse au luxe, du blizzard à l'étuve, impossible de ne pas subir les coups de pouce de son empreinte, la fascination de son creuset multiracial comme l'angoisse qui peut sourdre de ses sidewalks. Un charme capiteux, contaminant, humain, inhumain, violent.

Cette violence, génératrice de chamades, de stress et de cadenas, les fibres féminines en ressentent peut-être plus intensément les secousses. Question de feeling. En tout cas, le Spider Theatre entend en rendre compte, à la faveur d'un spectacle-tract, hanté, clownesque, à vocation exorcisante sous la bannière de « Women's Lib », brandie et révérée comme un talisman, un bouclier. D'Off-Off Broadway via Nancy, voici le spectacle pour quelques soirs encore aux Halles de Schaerbeek, à l'instigation de Jo Dekmine et du Théâtre « 140 ».

Devant un fronton en patchwork et quelques casiers de bière en guise d'accessoires, cinq « nanas » incroyablement accoutrées arpentent le podium. Volumineuses, emperlouzées (Muriel Miguel, Gloria Mogica, Lisa Mavo), nerveuses et vipérines (Pam Verge, Loïs Weaver), elles racontent leurs expériences, leurs traumatismes, et en une vingtaine de sketches forçant sur le grotesque expressionniste que chérissait déjà Grosz dans ses dessins et ses toiles.

Elles racontent, et elles témoignent. L'aliment? C'est la rubrique des faits-divers bruts, des petits riens quotidiens, si révélateurs, où les mâles, on s'en doute, n'ont ni le beau rôle ni la part belle. Pour ces « enragées », ces « Women in violence », ils sont bornés, suffisants, ils roulent des mécaniques, éructent des vulgarités. Le despotisme dit « phallocratique ». A gros traits, le quintette mime les lazzi, les gestes, l'ignoble d'une infra-civilisation de minus, canalisant les responsabilités à sens unique, essayant de désamorcer les prévarications de la police, les agressions ou les plaisanteries obscènes, par une illustration naturaliste, à la fois bouffonne, « héneaurme », sommaire et juste.

On n'oserait jurer que le Spider Theater ne se complaît pas dans les outrances qu'il entend dénoncer. Il lui arrive de devenir vite lassant, parce que unilatéral et systématique, sur des thèmes que Tennessee Williams savait autrement faire miroiter avec sa Blanche du Bois et le Kowalski du « Tramway nommé Désir ». Ce spectacle de protestation auquel on peut prêter l'oreille à condition d'avoir le cœur bien accroché et de conserver quand même un libre-arbitre, vise avant tout à l'efficacité descriptive. Dépassant le cabaret pour suffragettes, il n'atteint au lyrisme que dans sa finale, où le langage théâtral se structure davantage, proposant les images fortes, drôles et nécessaires d'une prise de conscience collective...

J. P.

Auteur J.P.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Women in Violence

Date(s) du 1977-05-31 au 1977-06-03

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Spider Women Theatre