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Les Spider Women aux Halles: clownesses contre 'phallos'



Le Soir

2-6-1977

Les Spider Women aux Halles : clownesses contre « phallos »

Cinq comédiennes. Enormes ou maigres; mais c'est sans importance, disons simplement qu'elles ne possèdent pas les canons habituels de la beauté féminine, fichus canons qu'on devra bien — et les femmes les premières — se décider à faire sauter. L'une ressemble à Simone Max. Une autre joue d'une lorgue queue en fourrure. La troisième a quelque chose d'une nonne. La plus noire est coiffée d'un casque et la dernière ressemble à une clocharde qui aurait passé la nuit avec Harpo Marx. Tant pis si ce mot n'existe pas au féminin : clownesses elles sont. Femmes araignées (Spider Women est, en anglais, le nom de leur compagnie) qui se couvrent d'oripeaux pour mieux brandir l'étendard de leur lutte, qui tendent au-dessus du spectateur une toile qui devrait lui tomber sur la tête avec la violence d'un punching ball frappé par Cassette Clay. Est-ce vraiment percutant? Pas tellement. On a déjà vu plus fort au cinéma ou dans la littérature.

Leurs courts sketches s'enfilent comme des grelots. D'un côté, les odieux phallos. Les pinceurs de fesses, les brutaux, les obsédés, les lorgneurs, les zieuteurs de petites culottes, les mecs, les macs, les zhommes quoi... De l'autre les femmes. Et ce qui devait arriver arrive. Vus par les Spider Women, les zhommes ne sont que d'infâmes zombies brandissant d'énormes saucisses qu'ils ont le culot d'appeler sexe. A ce niveau, le spectacle est prodigieusement énervant (pour un homme?). Créer l'homme-objet ne tuera pas la femme-objet. Aujourd'hui, si l'on n'a pas compris que le mâle et la fille sont également conditionnés, écrasés et programmés par la société (et que c'est cette société qu'il faut changer) on n'a rien compris. On rame tous sur la même galère et si l'on prend le commandement ce sera tous ensemble. Ou pas. La vraie différence n'est pas entre homme et femme. Elle est entre beau et pas beau, riche et pas riche, fort et faible.

Cet aspect-là du problème apparaît d'ailleurs — mais plus faiblement — dans ce show combatif et vitriolesque. Pas assez fort à notre goût. Même si les Spider Women, qui ont un grand talent de comédiennes, attaquent la violence avec gourmandise.

A voir si l'on veut se tenir au courant de ce que peut-être un certain café-théâtre new-yorkais qui a compris que la vulgarité pouvait être une arme. Vous préférez Zouc? Vous n'avez pas tort.

Cela dit (et cette réflexion n'a rien à voir avec la valeur du spectacle), présenter une telle troupe et évoquer de tels problèmes, comme cela, parachutés dans le vide, coincés entre la programmation d'un groupe pop et d'un danseur sélénite argentin, peut sembler gratuit et faire partie d'un esthétisme parfois snob sans le savoir. Les Spider Women auraient dû être le support d'une action plus constructive, le catalyseur d'une contestation ou d'une réunion portant sur un thème précis. Aux Halles de Schaerbeek, elles ne sont qu'un spectacle. C'est à la fois beaucoup et trop peu.

LUC HONOREZ.

C'est le Théâtre 140 qui présente, jusqu'au 8 juin, à 21 h. les « Spider

Women » qui jouent « Women in Violence ».

Auteur Luc Honorez

Publication Le Soir

Performance(s) Women in Violence

Date(s) du 1977-05-31 au 1977-06-03

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Spider Women Theatre