Archives du Théâtre 140

La Dernière Heure

3-6-1977

Aux Halles de Schaerbeek

« Women in Violence »

« In a revolution a woman is equal ». Voici pour la couleur, car il s'agit, en temps de révolution, de considérer la femme égale à l'homme. On est loin du compte, Messieurs les révolutionnaires, qui vous faites servir le café. Et les femmes, par la bouche de cinq comédiennes - du « Spider Woman Theatre » de New York invité par le Théâtre 140 - vont le leur dire sur tous les tons, gestes à l'appui... Et quels gestes : enfants interdits!

Muriel Miguel, Lisa Mavo, Gloria Nogica, Pam Verge et Loïs Weaver nous le disent en davantage de mots que de gestes, hélas! puisqu'elles parlent l'anglais, et le slang, encore bien. Elles nous racontent à tour de rôle des faits divers où il est question de la femme meurtrie dans sa chair et dans sa dignité. Viol, exhibitionisme, chantage, complicité inconsciente des autorités, tout nous vient aux oreilles, et pour mieux nous faire entendre raison, la main vous dessine un espace phallique d'autant plus dérisoire qu'il est de dimension. Ces dames comédiennes traduisent l'une la femme idéale, l'autre la femme caméléon, d'autres encore la farceuse, la nonne, la clocharde ; tout ce monde se vêt de façon grotesque de travestis bon marché pour bal populaire. Mais quelle technique! C'est que les femmes doivent lutter trois fois plus quand elles veulent faire cavalier seul, créer une œuvre de leur cru, l'interpréter à l'inverse du théâtre « No », c'est-à-dire sans la moindre collaboration du mâle. En cela, nous ne pouvons que nous délecter, car la femme, totalement sevrée de l'homme, est en marche vers un style et un message personnels.

A ce stade-ci, nous ne pouvons que nous convaincre de ce que toutes nos façons, tous nos trucs, toutes nos simagrées n'ont pas de secret pour la femme, y compris la clownerie, jadis fief exclusif de l'espèce masculine. Ici, elles se tordent, se contorsionnent, s'envoient tartes à la crème, mots, mimiques, caresses et coups dans le plus pur style du cirque, connotation politique de surcroît. Ni Brecht, ni Dario Fo n'ont encore le contrôle de cet esprit comme de cette mise en scène au décor en patchwork.

Ce théâtre rend un son nouveau et, exclusivement féminin, il peut faire enfin la part belle à la comédienne traditionnellement en mal de rôles.

Mais pour les francophones que nous sommes, cela vous a encore trop l'air d'un happening, faute de pouvoir suivre les nuances de l'argot anglais.

A voir pour ceux qui aiment le théâtre en marche ainsi que la levée d'un monde qui sort progressivement de sa léthargie.

R.V.L.