Archives du Théâtre 140


Les Farceurs de Nanterre au Théâtre 140, La caravane aboie, le chien passe



La Libre Belgique

16-11-1977

THEATRES ET CONCERTS

Les Farceurs de Nanterre au Théâtre 140

La caravane aboie, le chien passe

Ils sont bien gentils, c'est le moins qu'on puisse dire. Et ils ont certes beaucoup de talent. Ils s'appellent Dominique Balzer, Jean-Yves Chatelais, Bruno Gruel, Jean-Claude Leguay et Daniel Martin. Retenez leurs noms : deux d'entre eux, dans trois ans au minimum, seront des vedettes à part entière. Mais il serait malséant de dire lesquels alors que leur spectacle est une oeuvre essentiellement communautaire.

Que nous proposent-ils? Un spectacle proche, tout à fait, dans son essence, de la commedia dell'arte, mais absolument moderne. Proche du théâtre de Dario Fo, s'il fallait donner une référence d'aujourd'hui, mais absolument personnel, car il est sûr qu'ils n ont rien imité. En fait, ces cinq jeunes sortis du Conservatoire de Paris, où ils étaient « drillés » par Pierre Débauché, sont sans doute les premiers farceurs français de notre époque.

Maintenant, que leur spectacle présente des temps forts et beaucoup de temps faibles, que la plupart des séquences musicales aient moins d'intérêt que n'importe quel final d'opérette - mettons à part une belle chanson du Pont-Neuf et une autre, sur la guerre, assez bien frappée —, cela n'a pas beaucoup d'importance. La caravane aboie, le chien passe est l'un des spectacles d'improvisation le plus élaborés qu'il nous ait été donné de voir, et l'adjectif n'est pas mis là pour le paradoxe. La véritable improvisation à l'italienne, c'est-à-dire le véritable travail créateur en groupe, tend, justement, à fixer l'instant fatal, l'équilibre difficile, la fugitive étincelle.

C'est pour cela que nous avons aimé ce spectacle, pour ses îles de théâtre total, ses moments de comique intangibles, ses interprètes un instant personnages. Que cela soit trop long, que la construction manque de rigueur, que Pierre Débauché eût peut-être pu mettre quelque rythme en la nage de cette galère et qu'il ne l'aie pas fait..., mon Dieu, tant pis! Le spectateur, tout de même, trouve son pain dans ce festival de lazzi dont le moindre des mérites est de reposer souvent sur l'absurde, de ne jamais sombrer dans le cabaret, d'éviter l'allusion, de bannir la référence.

Un seul regret. C'est que ces farceurs, très bientôt, vont certainement se séparer pour vivre, chacun, leur aventure individuelle dans le show bizz. Alors qu'ensemble - parce qu'ils ont la rigueur et la technique, à la fois, qui manquent souvent au Café de la Gare ou au Magic Circus -, ils atteindraient à une qualité absolue de comique totalement étrangère actuellement au domaine français. Nous ne parlons pas d'humour. La démarche, chez nous, du Théâtre Hypocrite, peut être comparable à la leur, mais ils n'oeuvrent évidemment pas dans la même voie.

J.C.

Auteur J.C.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) La caravane aboie, le chien passe

Date(s) du 1977-11-14 au 1977-11-18

Artiste(s) Les Farceurs

Compagnie / Organisation