Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

18-12-1977

THEATRES ET CONCERTS

Au Théâtre 140

THE LAST POETS

Quatre Noirs habillés à la musulmane : turban, veste, tunique, pantalon. Un salut au public : « Bonsoir, Salam Aleikum, Good evening ». Ils sont Américains, New-Yorkais plus précisément : Cheik Suliman el Haadi (vocal), A Ajoun Mustapha (bongos), Djemal Abdul Debor (guitare basse) et Soliman Kein (orthographe non garantie : le présentateur-chanteur s'est très mal présenté).

Une incroyable économie de moyens : une guitare, des bongos, et deux voix. Une indiscutable présence : rarement on a vu des musiciens aussi décontractés et concentrés à la fois que ceux-là.

Ils sont Afro-Américains par leur irrésistible rythmique, naturelle, simple et efficace, nerveuse mais maîtrisée. Seraient-ce des enfants de Shaft qui ont mûri?

Mais il y a plus : quand on entend Cheik Suliman, on croit découvrir une « voix ancestrale », grave et profonde, qui s'élève parfois en de brefs et féroces rugissements, comme dus à la colère. L'accompagne un chanteur qui n'est plus parole mais son, reprenant le motif principal intercalé de brèves onomatopées sourdes, sans cesse répétées. L'ambiance ainsi créée est des plus envoûtantes, même si le schéma musical reste indéfiniment le même.

Ces « Last Poets », comme ils s'intitulent, chantent des « Trips » loin de ce monde qui n'est certes pas rose, de cette société qui n'est certes pas douce quand on est Noir à New York, ou présentent leurs visions du paradis ou affabulent des évolutions cosmiques où Dieu, passé, futur, présent se mêlent indissociablement, mais ils chantent aussi la lutte du « vieil homme » contre « le policier du monde », d'Ho-Chi Minh contre l'oncle Sam. Faut-il rappeler que ce premier « concert crocodile », qui a connu une salle archi-comble et même plus, était organisé par la radio crocodile, donc la R.T.B.-Bruxelles?

P. Sb