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Après 'Timon d'Athènes' Peter Brook ressuscite Alfred Jarry: 'Ubu'



THEATRE 140

Service de Presse

Saison 77/78

Avant-Première

Prière d'insérer svp

aux HALLES DE SCHAERBEEK

(Grandes Halles / entrée : 18 Rue de la

Constitution - 1030 Bxl)

les 30, 31 mai et le 1er juin à 21 H.

Après "Timon d'Athènes"

Peter Brook ressuscite Alfred JARRY

« UBU »

d'après "Ubu Roi" et "Ubu enchaîné" d'Alfred Jarry créé aux Bouffes du Nord à Paris

dans la mise en scène de PETER BROOK

Un Père UBU aux résonances internationales

Il fallait que Peter Brook relise à sa manière le théâtre-canular du célèbre écrivain pataphysicien Alfred Jarry - à la lettre J dans les modèles français - pierre d'achoppement de la littérature contemporaine, exhumé du cimetière des rigolards par les Académiciens et les philo-romanistes.

Or Jarry aurait écrit Ubu comme on fait une mauvaise farce, sans se soucier de la postérité, et Peter Brook lui a restitué la force de l'événement, du cataclysme politique, mégalomane et vénal. Amindadesque en quelque sorte.

Les comédiens principaux sont étrangers, grec, allemand, vietnamien, et leur accent, leur difficile chemin à travers la langue française, fait ressembler le texte à un fabuleux char d'assaut.

"MERDRE" la célèbre interjection qui a trop réjoui les linguistes redevient par le miracle des accents étrangers une allègre grossièreté. Mère Ubu est tour à tour d'Europe Centrale et asiatique, Miriam Goldschmidt et Michèle Collison. Père Ubu est le même éblouissant comédien dans les deux pièces: Andréas Katsulas.

Ils sont entourés de "grotesques" d'une discrète et intelligente efficacité, les officiers, les ministres anoblis aujourd'hui, demain, précipités à "la trappe".

En fait, le génie particulier de Peter Brook s'est exercé ici à nous donner un mot à mot frugal du texte de Jarry, un peu le regard de Pasolini sur Boccace.

Pendant deux heures, qu'il s'agisse d'abord d'Ubu Roi, puis, après l'entr'acte, d'Ubu enchaîné, vont se dérouler sous nos yeux et dans nos "oreilles", les aventures d'Ubu et de mère Ubu, sa tendre épouse, sa "douce enfant", qu'il n'hésiterait d'ailleurs pas à faire passer "à la casserole" quand elle le traite "d'imbécile", et dont il est prêt à "lacérer le postérieur" si elle estime qu'il se comporte comme une "bourrique". Du début à la fin, depuis l'accession ubuesque au trône de Pologne jusqu'à l'équipée qui mène, tout aussi ubuesquement, jusqu'au bagne et aux galères, ce théâtre est celui du non-sens et de l'absurde. Mais de ce non-sens jaillit sans cesse le bon sens, et de cet absurde, la logique rigoureuse. On veut bien faire un coup d'état et massacrer le souverain régnant pour prendre sa place, mais à condition qu'il n'y ait pas de risque, sinon on filera lâchement "dénoncer les autres" pour se tirer soi-même de cette sale affaire. On fait jeter "à la trappe" les nobles fortunés pour prendre leur fortune, mais on liquide pareillement celui qui est ruiné, ce qui prouve que récupérer l'argent n'était qu'un prétexte.

On se proclame libre, et on multiplie les manifestations qui en témoignent: on est libre de désobéir, mais gare! Il ne faut pas "désobéir ensemble" car se serait se comporter en hommes disciplinés donc non libres. Une averse vous inonde de la tête aux pieds? Aucune importance, du moment qu'on est "libre de ne pas aimer la pluie". Bref, il apparaît que plus on s'affirme libre, moins on a de liberté et que le seul état d'homme vraiment libre est celui d'esclave. Et encore, à condition d'être enchaîné, avec un boulet à chaque pied. Ubu, du temps qu'il était roi, n'avait qu'une boule en mains. Désormais, il en a deux aux pattes. C'est nettement mieux. Et de rire.

La pauvreté des moyens matériels - une bobine de tréfilerie, trois briques, trois bâtons - est ubuesque dans cette salle ubuesque. Elle a quelque chose de provocant, de scandaleux. Elle a l'air de vous dire "Merdre"! Or ce néant dans l'accessoire ne donne que davantage encore de relief et de saveur à ce qui nous est si bien dit et si bien joué.

"UBU" d'Alfred Jarry dans la mise en scène de Peter Brook aux Halles de Schaerbeek, pour 3 soirs, les 30, 31 mai et le 1er juin à 21 H.

Produit par René Praile et le Théâtre 140.

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) Ubu

Date(s) du 1978-05-30 au 1978-05-31

Artiste(s) Peter Brook

Compagnie / Organisation