Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140, Carolyn Carlson



La Libre Belgique

11-6-1978

Au Théâtre 140

CAROLYN CARLSON

Ce samedi soir encore, Carolyn Carlson dansera au Théâtre 140 quelques-unes de ses œuvres fluides et denses, brillantes et nettes dont elle a le secret. Il y a deux ans, elle était l'invitée du Théâtre de la Monnaie où elle présenta « Wind Water Sand » avec le Groupe de recherches théâtrales qu'elle anime à l'Opéra de Paris. Aujourd'hui nous la retrouvons sur la scène de l'avenue Plasky, accompagnée seulement de deux partenaires, un danseur et un contrebassiste.

Celui-ci, Barre Phillips, tire de son immense instrument tout au long de la soirée, une musique tour à tour martelée, insinuante, répétitive, sur laquelle l'âme dérive comme sur un fleuve d'oubli et d'absence mais qui, à d'autres moments, captive le cœur par ses douceurs tentaculaires et veloutées de poulpe. De ces sons arrachés d'un archet sûr à des cordes languides et une caisse résonante semblent surgir les images fugitives, pures, serrées, rapides, intemporelles, que tracent dans l'espace les corps de Carolyn Carlson et de Larrio Ekson.

Elle, longue, blonde, blanche, lisse, lui, noir, cuivré, félin, différents et complémentaires comme pourraient l'être un lis de Californie et un oiseau des îles, se dédoublent, s'éloignent, s'unissent, dans une danse d'une grammaire très élaborée, d'un graphisme très abstrait, d'un raffinement souvent éblouissant, qui sollicite l'imaginaire et fascine le regard mais ne suscite guère d'émotion et laisse dans le souvenir laitière abstraite et frémissante calligraphie des poètes japonais du pinceau.

On contemple leurs évolutions gémellées avec admiration et parfois amusement (il y a quelques touches d'un humour irrésistible dans la première partie) mais il faut reconnaître en même temps que, le lendemain, l'ensemble des évolutions scéniques de Carlson et Ekson s'amalgament dans une lonque succession de propositions dont on se sent incapable de faire le détail. A regarder comme on écoute du Satie. Mais en souhaitant un supplément d'âme à toute cette intelligence formelle, et cette esthétique de gestes et de pas qui épuisent jusqu'à la limite de l'indicible une sorte de mouvement perpétuel de morts et de résurrections.

J. F.

Auteur J.F.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) -

Date(s) du 1978-06-08 au 1978-06-10

Artiste(s) Carolyn CarlsonLarrio EksonBarre Philips

Compagnie / Organisation