Archives du Théâtre 140

La Dernière Heure

11-6-1978

Carolyn Carlson :

un voyage de rêve

La chorégraphe Carolyn Carlson dirige depuis trois ans à l'Opéra de Paris le groupe de recherches théâtrales et chacune de ses créations est d'un caractère en opposition avec le répertoire de la « grande maison ».

On peut cependant regretter que ses œuvres aient toutes une ressemblance. Mais le public du théâtre 140 lui a fait une ovation, ainsi d'ailleurs qu'à ses partenaires; Larrio Ekson, danseur d'origine indonésienne, qui, ayant fait de la comédie musicale, chante joliment, et le contrebassiste Philippe Barre qui, le plus souvent sans archet, tire des dissonances continuelles en demi-teintes.

Le spectacle d'ailleurs est souvent placé sous le signe de la dissymétrie des attitudes, sauf dans sa première partie où les mouvements des danseurs sont synchronisés à la perfection. Portant des collants blancs ils évoluent devant un fond noir sous un halo qui crée une atmosphère fantasmagorique. La première rupture présentée, « Troisième aile », comporte un long solo de Carolyn, qui évolue en souplesse et sans bruit, la contrebasse aussi s'étant tue. Il n'y a pas de bonds spectaculaires, mais son corps se courbe en larges cercles, ses bras battent l'air ou ondulent comme l'envol d'un oiseau. Son visage exprime une vision extatique, qui contribue à la fascination née de la perfection des attitudes. Sa danse est d'une haute technicité, les gestes coulés ou déliés sont le résultat d'une complète maîtrise des muscles. L'action chorégraphique taquine l'imagination des spectateurs, qui scrutent le moindre frémissement pour en avoir la signification. La seconde œuvre « Juste un instant » s'inscrit dans la recherche d'un esthétisme épuré d'accessoires et fait appel au sens intuitif des spectateurs. On a pu constater qu'ils sont toujours nombreux les fervents de la danse, qui savent faire la part du faux avant-gardisme.

Et ils ont été emportés par le voyage de rêve de Carolyn.

P. B.