Archives du Théâtre 140

La Relève

3-11-1978

Au 140 : le Théâtre Néon de Florence

Au commencement ça ressemble à une performance pour galerie d'art milanaise (vue à Soho cinq ans avant). Un art un peu touche-à-tout avec objets, personnages et barres de néon qui clignotent. On est dans l'ordre de la dispersion sinon du disparate (on n'ose écrire du bric à brac). On dirait un répertoire des derniers trucs à la mode, y compris certaines gestualités de Bob Wilson mais sans leur esprit.

Ensuite ça se resserre, ça se décante à la fois par l'évolution du jeu scénique lui-même, plus rigoureux, et par l'acclimatation de l'œil qui se met à voir. Et qui voit quoi? Essentiellement le travail de la lumière qui, en modelant le réel, brouille ses frontières. On ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est fictif. Tout change de place, de forme, de sens. Art d'illusionnistes. On se demande si l'horloge au mur est un objet ou une projection, si les aiguilles avancent ou sont immobiles. On se demande ensuite si la femme nue qu'on vient de voir est la même que l'autre. La belle devient laide et la belle laide selon que la lumière et l'ombre les manipulent. C'est tout un jeu de brouillage de pistes et d'ombres chinoises, une récréation du temps et de l'espace — remodelant le plat et le relief —. Finalement c'est la foire, et comme à la foire, la perte du sens de l'orientation et de la pesanteur à l'aide d'une toute petite machine et de quelques dias marbrant les peaux et les surfaces. On a, pour une seule entrée, et sans bouger, la femme tronc, le labyrinthe, les nacelles volantes.

Et pour finir on grimpe au mur. On marche comme le personnage de la scène, à l'horizontale. C'est un rêve. C'est un cauchemar. C'est la réalité.

Le gars qui, au premier rang, manipule la petite machine à illusions a un beau profil du quattrocento.

Fr. C.

Le Théâtre Néon nous aura quittés quand paraîtront ces lignes.