Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140, 'Prometheus Changed' par le 'Living Theatre'



La Dernière Heure

8-12-1978

Au Théâtre « 140 »

« Prometheus Changed »

par le « Living Theatre »

Rien n'est plus décevant en définitive que l'avant-garde qui se survit. L'effet « choc » est émoussé et comme il était le moteur quasi essentiel du succès, il ne reste plus que les tics, ce qui est fort peu.

Sans doute « Le Living Theatre » en représentation à Bruxelles, au « Théâtre 140 », a-t-il saisi le danger puisqu'il nous propose en quelque sorte son autocritique dans la première partie de « Prometheus Changed », création collective à base de bruits, de cris, d'oripeaux et de nudités complètes. Etant entendu qu'elles ne sont jamais obscènes, mais, tout au contraire, misérabilistes.

On nous dit que le texte écrit par Jessica Sayre est une exploration poétique du mythe. Pourquoi pas au niveau conceptuel? Mais, au niveau de la réalisation, dont la chorégraphie est également signée par Jessica Sayre, on s'aperçoit qu'il y a plus de vent dans les branches que d'authentique inspiration.

Il est vrai que la pièce jouée en anglais crée déjà une rupture au départ d'une certaine incommunicabilité. Il faut bien admettre aussi que de toute façon le texte est indigent, si pas puéril.

Résultat : comme la provocation est devenue habitude et n'a plus d'effets thérapeutiques, on devient exigeant et le spectacle n'est justement pas assez exigeant, bien qu'il y ait tout de même de beaux restes et quelques tableaux non sans grandeur.

Réflexion, nous dit-on, sur le pouvoir et qui débouche en deuxième partie sur un pouvoir toujours actuel, celui de la révolution bolchevique, le « Living Theater » abandonne son attitude critique vis-à-vis de lui-même et il nous révèle ses accointances avec toute une floraison de sectes américaines dont il reprend les mécanismes essentiels de comportement, freudien et très américain ; attitude de jeune chien qui s'ébroue dans une société dont il ne comprend plus les tenants et les aboutissants et qu'il « décivilise » par conséquent avec volupté, pour se livrer avec délectation au plaisir « truqué » du feu de camp assimilé à une manifestation collective.

En effet, le public est invité à monter sur scène en groupes compacts et à se choisir un rôle dans différentes catégories. Ainsi on peut être de l'armée rouge, être bolchevique, anarchiste, etc. On s'amuse fort parmi les jeunes mais, en quelque sorte, l'avant-garde reprend les propos éculés de braves boy-scouts.

Et, puis, l'acte 3, très court, pose une question élémentaire (tout est élémentaire dans ce spectacle) : « De quel crime au juste sommes-nous punis quand on nous punit? » Dès lors, les paris sont ouverts et le spectateur, une fois de plus, est juge et partie.

C'est facile en somme de faire faire le travail par les amateurs.

A noter, en marge, l'excellente prestation personnelle de Julian Beck qui dans ses rôles de Lénine, Trotsky, d'un juge, etc., nous prouve que « La révolution soviétique ne libère personne ». On le savait. Et Prométhée est toujours enchaîné.

A.V.

Auteur A.V.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) Prometheus Changed

Date(s) du 1978-12-04 au 1978-12-09

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Living Theatre