Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

9-2-1979

AU THEATRE 140

Sulla via di San Michele

Les Italiens Pupi et Fresedde étaient venus à Bruxelles il y a un an présenter, déjà au Théâtre 140, La Terra del Rimorso. Ils nous sont revenus avec un nouveau spectacle Sulla via di San Michele, réalisé avec la collaboration du Bread and Puppet.

Partir d'un jeu religieux médiéval pour fonder un folklore proprement italien qui ressuscite le culte de l'archange St-Michel: telle est la démarche fondamentale d'un spectacle dont la musique, les chants et la danse forment les éléments de base. Il apparaît bientôt que la parabole et l'allégoria ici se greffent sur des fantasmes personnels, que le cérémonial finit dans la psychanalyse et que la bouffonnerie et la trivialité du cirque succèent à l'austérité et à la pureté chrétiennes.

Art à la fois « figuratif » et abstrait, dont la symbolique est difficile à saisir, non seulement à cause de la langue parlée, qui ajoute à l'Italien le dialecte des Pouilles; mais aussi parce que le rituel populaire de déploie en une fantasmagorie dont les mouvements divers travestissent et déforment la signification. Les accessoires tiennent une grande place dans un spectacle fondé sur l'allusion: ailes, épées, masques, faux nez de carnaval… On est frappé aussi par la recherche des contrastes et des métamorphoses gouvernant une action étagée sur différents plans de l'espace scénique. A l'agitation et aux chants, succèdent l'accalmie et le silence; les mouvements deviennent lents, imitant, à s'y méprendre, le « ralenti » du cinéma; le geste se fait pantomime; le théâtre peinture; la parole s'efface devant le « tableau vivant ». Sur un fond tour à tour rouge et noir, où la scène n'est éclairée que de place en place, se découpent des silhouettes qui semblent irréelles: anges, madone, poissons, cheval, dragon…

Il se dégage de cette chorégraphie prolongée par la musique le sentiment d'une éblouissante perfection formelle, mais limitée à un folklore dont les formes, les figures et les chants n'évitent pas toujours une certaine monotonie. Telle est la rançon d'un art tourné vers la tradition et qui se préoccupe moins de créer du neuf que de polir et de faire briller de l'ancien.

Th. L.