Archives du Théâtre 140

Le Soir

22-2-1979

La dérision du People Show au théâtre 140

Pour la seconde fois, le People Show de Londres a envahi l'espace du théâtre 140. Un espace reconverti, pour la circonstance, en cabaret fin de siècle où il n'est pas sûr que le spectateur coincé entre la tulipe et le Champagne, ne soit pas là pour faire tapisserie.

Spécialistes du dérapage contrôlé, les musiciens-acteurs-acrobates du People Show travaillent dans le dérisoire douceâtre. Sous prétexte de nous offrir un spectacle en bonne et due forme dont la figure rêvée, fantôme obsédant de la nuit noire, serait Billie Holiday, la chanteuse de blues, ils procèdent à une savante destruction du « genre ».

Ou, comme on dit aujourd'hui, ils « subvertissent » la forme. D'où l'apparition incongrue d'un poivrot gueulard, les échappées lyriques du saxophone, les colères mélodramatiques d'un Raspoutine ou les sussurements niaisement amoureux d'un malabar à coiffure afro qui semble échappé d'une manif...

Autant de ratages qui distillent en principe un humour désespéré. Au sortir de l'épreuve, on a toujours le sentiment d'avoir vécu un psychodrame interprété par des créatures décadentes sorties peut-être d'un film de Marguerite Duras. Il y a beaucoup de ralentis et de silences gênés comme si le vrai sujet du spectacle, c'était le grand vide qui est en nous et qu'aucun artifice ne peut suffire à combler.

Théoriquement donc, un spectacle qui fait naître l'angoisse. Malheureusement, l'esprit est très vite déconnecté, la participation fait défaut. Même dans un bocal de chic, sinon de luxe, l'ennui des poissons rouges est communicatif. Le ratage semble plus profond qu'il n'est avoué.

M. G.

Jusqu'au 23 février au Théâtre 14O; à Tournai (« Mauvaise Herbe »), le 27 février et à Tubize (« Téléphone »). le 2 mars.