Archives du Théâtre 140

Le Drapeau Rouge

16-5-1979

Le « Teatro de la Maschera » au 140

L'éveil du printemps

Thèmes de l'école, de l'amour, de la sexualité, des rapports parents-enfants : L'éveil du printemps, comme l'adolescence s'éveilla à la vie dans les cadres obligés du monde adulte. Une saison en enfer, parfois. Perlini traduit Wedekind. Ou plutôt il conserve et souligne tout ce qu' aujourd'hui encore est neuf dans la pièce expressionniste. Définition même de l'avant-garde. Conformément à l'esprit original, il propose un théâtre non linéaire, mêlant onirisme et réalité, requérant — confondus — la musique et le cri, le mot, le geste et le décor. Les moyens d'expression y sont directement adéquats à leur objet, provoqués par une nécessité interne et non par une référence à la norme théâtrale : étape vers la déconstruction contemporaine.

Sur scène, au Théâtre 140, de nombreux personnages dont les destins juxtaposés évoquent les victimes de l'éveil et ceux qui s'en échappent. Quelques tableaux très réussis dans leur violence accusatrice, tel l'enseignement terroriste, l'« éducation sentimentale » tragique d'une collégienne (rêves, rut et la solitude désespérée de l'après), l'annonce de la maternité à la mère (« mais, maman, c'est de l'hydropisie »), l'avortement atroce enfin. Des détails d'un réalisme sordide renforcent une dénonciation qui, bousculant bien des silences, confère à la pièce un caractère courageusement « féministe ». Ainsi l'évocation théâtrale du choc d'être avortée : le cri s'y justifie pleinement et, dans l'Italie d'aujourd'hui, son écho se proclame politique. Une scène presque insoutenable.

Parfois, à mon avis, un manque de rigueur peut heurter en regard de la qualité du jeu et de la représentation dans son ensemble : courses dans tous les sens, inévitables actrices nues sous leurs manteaux noirs... Malgré ces réserves, le champ d'expérimentation du Teatro La Maschera ouvre avec bonheur le jeune théâtre aux problèmes quotidiens. Il en retire une incontestable puissance.

Paul ARON.