Archives du Théâtre 140


'Spider Woman'



Le Soir

18-10-1979

« Spider Woman »

Juste pour cette fois, on voudrait poser la question à froid, sans rire : qu'est-ce qu'une parodie? Tout bon dictionnaire vous répondra qu'il s'agit de la paraphrase, sur le mode grotesque ou irrévérencieux, d'un genre dit sérieux. La précision n'est peut-être pas aussi inutile qu'on pourrait le croire — et qu'on le voudrait — après tant de « parodies » dont la paraphrase, oubliant toute question de fond, était en elle-même grotesque, ridicule.

C'est que la vraie parodie, à l'inverse de la caricature, opère un détournement quant au fond d'un genre, et s'ingénie par ailleurs à conserver la forme originale pour accentuer l'impact du procédé. Ceci pour dire, entre autres, que le nouveau spectacle de Spider Woman, aux Halles de Schaerbeek, n'est que la moitié de ce qu'on en attendait.

Le détournement est bien au rendez-vous : les huit actrices-chanteuses ont bien observé l'image de la femme qui se dégage de l'« entertainment » américain et se permettent quelques savoureuses variantes sur la romance ou le blues des cabarets et de formidables ellipses. Le piano entame une ballade langoureuse à souhait; une chanteuse noire gagne l'avant-scène, pulpeuse à ravir; et c'est, avec un superbe accent allemand, un désopilant pastiche de Marlène!

Femme-objet, femme fatale, femme-enfant, maîtresse femme, les clichés défilent et en prennent pour leur compte d'artifice dans un joyeux débraillé qui rappelle les spectacles des travestis, avec plus d'aigreur dans la fascination. Jusque-là, parfait!

Mais on attend en vain jusqu'à la fin l'autre moitié de l'acte parodique : l'irréprochable pastiche formel qui garantirait l'efficacité du spectacle; sa part la plus cruelle souvent. Rien de tel ici : lourdeurs, longueurs, complaisances, banalités, tout concourt à la pauvreté d'un travail sans rythme ni finesse. Le contraste est d'autant plus accablant que le sujet du pastiche, le music-hall américain, s'est fait un critère absolu de la finition du moindre détail, de la perfection dans l'artifice. Ici surtout, il fallait dépasser le modèle sur son propre terrain pour mieux en maltraiter les poncifs.

C'est tout le contraire : un ensemble trop long de scènes mal ficelées, où bien souvent la moquerie n'atteint pas même la finesse de ces auto-parodies que s'offre parfois le cabaret, la fausse chanteuse, le prestidigitateur maladroit ou le comique triste...

D. D. Br.

Auteur Daniel De Bruycker

Publication Le Soir

Performance(s) Cabaret

Date(s) du 1979-10-15 au 1979-10-17

Artiste(s) The Spider Women

Compagnie / Organisation