Archives du Théâtre 140


Spiderwomen



La Relève

19-10-1979

Spiderwomen

Théâtre /Fr. C.

J'ai (re)vu les comédiennes les plus merveilleuses, les plus éblouissantes, les plus drôles, les plus pathétiques, les plus belles, les plus sophistiquées, les plus naturelles, les plus intelligentes, les plus instinctives, les plus vivantes, les plus habiles, les plus réconfortantes, les plus cyniques qu'il soit possible aujourd'hui de voir : les Spiderwomen.

Découvertes au festival de Nancy retrouvées à New York qui est leur origine et leur base, puis, récemment, à Amsterdam, elles avaient présenté déjà l'an dernier, au Théâtre 140 leur premier spectacle. Et en voici un autre, plus élaboré mais non moins fort que le premier. Ce qu'elles ont gagné en formalisation, les Spiderwomen ne l'ont pas perdu en authenticité. Elles présentent aux Halles de Schaerbeek une sorte de parodie de cabaret où elles parodient avec un talent et un humour parfaits les formes convenues d'une certaine convention scénique, fondamentalement américaine : revues, chant, opéra, etc. Mais ce qui court à travers cette critique référentielle d'une certaine culture, c'est la satire de l'usage qui en est fait des femmes. Femmes-objets, séductrices ou tombant en pâmoison devant l'homme : elles les sont pour nous avec le décalage critique de leurs gestes et de leurs rires et leurs corps mûrs, robustes, aux antipodes de la silhouette convenue; ces corps-là, se mouvant comme ils le font, sont la plus violente provocation possible, bien au-delà des mots.

L'amour, toujours l'amour. La sentimentalité, le désespoir. Ces leitmotive de la psychologie féminine, ou de ce à quoi on la provoque, reviennent sans cesse dans le spectacle. Les femmes se moquent de ce qu'elles sont censées être, et de ce qu'elles sont. « Je l'aimais et il m'a quitté. » « Tu me manques mon amour. » La symphonie des mouchoirs tourne au grotesque ou au jeu de prestidigitation. Les « mecs » sont là, joués par deux femmes, affrontés vaniteusement et misérablement à ces reines plantureuses qui tour à tour fondent devant eux ou les empoignent pour une sarabande à leur rythme. Tout cela dans un grand jeu jubilant et plein de nuances où rien n'est jamais appuyé.

Et naturellement, sous les feux de la rampe, elles rêvent toutes, ils rêvent tous, d'être des vedettes. Elles sont des vedettes, dont elles empruntent les noms avec désinvolture : Gina Lollobrigida, Jean Harlow...

Bref une heure et demie de pur plaisir, un plaisir qui n'est pas aussi innocent qu'il en a l'air. Il n'existe nulle part un tel mélange de subversion radicale, de bonne humeur, et de métier.

Malheureusement, quand ce journal sortira, les Spiderwomen auront quitté Bruxelles. Mais elles reviendront. Et vendredi commence le Festival dont nous avons déjà parlé, avec le spectacle de Meredith Monk au Théâtre 140, à ne pas manquer.

Auteur Fr. C.

Publication La Relève

Performance(s) Cabaret

Date(s) du 1979-10-15 au 1979-10-17

Artiste(s) The Spider Women

Compagnie / Organisation