Archives du Théâtre 140


Le Grand Magic Circus au 140: dix ans déjà…



Le Soir

14-3-1980

Le Grand Magic Circus au 140 : dix ans déjà...

Je ne veux pas jouer les anciens combattants de l'avant-garde mais, il y a dix ans, le Grand Magic Circus, c'était quelque chose! C'était, un soir, au théâtre 140, Jérôme Savary et sa bande de joyeux copains y présenta Zartan, le frère mal-aimé de Tarzan. Quelle fête! Quinze jours après, j'en parlais encore. Troussant sans aucune vergogne la représentation théâtrale. Savary

faisait éclater la logique, emplissant le théâtre de clowns gais, d'animaux tristes, de femmes nues, de fanfares, retrouvant l'esprit des bandes dessinées de Gotlib et de Fred... Après le spectacle, on dansa jusqu'à 2 h du matin sur la scène.

Le temps a passé. On s'est habitué à la grande dérision du Magic et les grands soirs où le fond de l'air est rouge se sont éloignés.

Les ficelles du Magic sont toujours là, on nage encore dans un revigorant laisser-aller, c'est toujours le bonheur du petit cirque déglingué mais la magie s'est fait la malle. Hélas! on a tous pris dix ans en pleine figure; Savary aussi. Si bien que Les Mélodies du malheur, le nouveau spectacle du Magic, ne plaira vraiment qu'à ceux qui n'ont pas encore vu Savary et sa bande.

Présentés par le professeur Brillantini (Jérôme Savary), quatre mélodrames défilent. Il y a celui des Sœurs siamoises, l'une est jolie, l'autre pas; celui de l'acrobate sur sa petite chaise roulante; un autre qui traduit le drame d'un cadre supérieur mis au chômage; le dernier qui raconte la mort de la petite stripteaseuse tuberculeuse et frileuse.

Le tout est plus drôle dans les détails (les lions du cirque, le jeu du nain Carlos Pavlidis, une secrétaire hystérique campée par Mona Heftre) que dans l'ensemble. C'est régalant, comme on dit familièrement, mais le cœur n'y est pas vraiment. Malgré tous les efforts du Magic, c'est comme si une chape de fatigue s'était abattue sur le chapiteau.

A la fin, Savary reste sur scène, comme s'il ne savait plus quitter le plateau, en jouant de la batterie et de la trompette. Comme s'il avait encore quelque chose à dire, mais qu'il ne sait trop quoi. Ça, c'est beau, dérisoire et un peu triste comme certains dessins de Fred.

LUC HONOREZ.

Auteur Luc Honorez

Publication Le Soir

Performance(s) Les Mélodies du malheur

Date(s) du 1980-03-11 au 1980-03-13

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes