Archives du Théâtre 140


Quatre radis à la mer au théâtre 140



Le Soir

30-10-1980

Quatre radis à la mer au théâtre 140

Vraiment, on n'a pas à se plaindre ces temps-ci : le début de la saison théâtrale bruxelloise est épatant et le critique se sert plus souvent de ses dents pour sourire que pour mordre. Pourvu que ça dure, comme disait ce directeur dont le tiroir-caisse sonnait allègrement.

Chez Demkine, aussi, les bons spectacles se succèdent. Après les Mabou Mines, les Japonais du Sankai Juku, après Jean-Paul Farré, voici les Radeis (Radis), quatre compatriotes des Flandres qui présentent un spectacle essentiellement visuel, drôle et poétique.

Ils sont quatre, Dirk, Jos, Jan et Pat, un bon gros, un maigre moustache, un myope et un beau costaud. Ils passent leurs vacances sur une petite plage flamande, disons Blankenzout pour ne vexer personne, c'est le ciel, le soleil, la mer et la pluie de ces braves types du genre à dire « Pardon, madame » quand ils cognent un réverbère. Puis vient le rêve. Blankenzout se transforme en plage haïtienne, le quotidien devient aventure, la folle du logis chausse les pantoufles du plat pays, les vagues sont kitch et le pêcheur de crevettes est un Don Juan, un peintre ou un découvreur de trésor. Economie d'accessoires : deux tapis de sol sont la mer et le sable: on s'y croirait.

Cela dure cinquante minutes (Cinquante minutes de bonheur à prendre, comme dit Dekmine) et le comique, jamais, n'éclate en gros ballons gras. C'est du rire comme ces petits bonbons fondants qui laissent longtemps un bon goût dans la bouche, avec des gags inattendus qui rebondissent d'un partenaire à l'autre, des détournements de fausse poésie (comme cette intervention de Jonathan Livingstone, le goéland) et un art du spectacle sans parole qui s'apparente à celui de ces petits tableaux de maître où chaque détail a son importance. Les Radeis, ce sont quatre silhouettes croquées par un Magritte en habit de clown: des gens fins et riches comme cette cuisine chinoise qu'on sert à Anvers.

Pas de barrière de langue pour ces Flamands. Tout au plus pro-

nonce-t-il « .................. » avec un léger accent, ce qui donne : « ... ............ ». Vétille.

Après les Radeis, l'expression « ce spectacle ne vaut pas un radis » n'a plus court!

LUC HONOREZ.

Au Théâtre 140, jusqu'au 31 octobre.

Auteur Luc Honorez

Publication Le Soir

Performance(s) Ik wist niet dat Engeland zo mooi was

Date(s) du 1980-10-27 au 1980-10-31

Artiste(s) Radeis

Compagnie / Organisation