Archives du Théâtre 140

La Cité

30-11-1980

« LISTEN DARLING... »

Rock sur ring de boxe ou catch sur piste de danse?

Etonnant, ce spectacle au Théâtre 140... Etonnant au premier sens du terme, parce qu'aucune définition ne semble lui convenir, parce que derrière le geste banal, répété, presque lassant, surgit brutalement une époque, ou plutôt, une épopée. Celle du rock, avec ses stars gominées au visage tragique, avec sa violence à peine contenue, avec ses suggestions érotiques et ses paradis aux couleurs criardes.

La scène du 140 est devenue ring de boxe. L'éclairage tombe dru sur trois comédiens-danseurs qui vont, une heure durant, danser et s'épuiser sur les rythmes d'un Elvis Presley ou d'un Little Richard.

A la danse s'ajoute le mime et parfois le cri. Aux refrains de rock se mêlent les bruits de sirènes, de motos, de vitres brisées et de train qui part. Des bruits que connaissent bien les blousons noirs, loubards et autres paumés de Brooklyn, Montpellier ou Los Angeles.

Peter Morin, ancien du GRTOP (Groupe de recherches théâtrales de l'Opéra de Paris), a monté avec Anne de Broca et Philip Levêque, danseurs professionnels, un spectacle qui n'est ni une comédie musicale ni une chorégraphie rock, mais peut-être une évocation tout en sueur et en attitudes excessives, comme elles devaient l'être, d'un univers à la fois musical et social. C'est toujours la violence qui domine ici : compétition brutale des deux mâles pour s'approprier la fille, rage de danser jusqu'à l'épuisement, agression sonore des guitares électriques ou des sirènes des bas-fonds, violence et excès de maquillages, des couleurs.

Un critique parisien évoquait l'atmosphère de « On achève bien les chevaux », la référence en effet s'impose, absolument. On n'est pas loin du catch et de la boxe, avec leurs gestes appuyés et cette affirmation grossière de la virilité. Décors, bande sonore et comédiens sont parfaitement ajustés à la nostalgie grinçante d'un rock que nous ne connaîtrons plus.

J.F.D.

« Listen darling, was it really a sweetheart teatime? » Au Théâtre 140 jusqu'à ce samedi.