Archives du Théâtre 140

Le Soir

5-5-1981

Le nouveau théâtre italien en Belgique : une initiative d'Alternatives théâtrales

Le théâtre italien, cet inconnu. Non que nous ne soyons pas informés de la tradition dramaturgique italienne. Ce que nous ignorons gravement par contre, c'est l'immense mouvement de renouvellement qui se manifeste dans la péninsule sur le plan théâtral depuis quelques années. Pour combler cette lacune, « Alternatives théâtrales » a invité en Belgique cinq spectacles représentatifs des courants principaux de ce mouvement. Ils seront présentés en Wallonie et à Bruxelles, dans une volonté de décentralisation dont on ne peut que se réjouir.

Pour attirer ces troupes dans nos contrées, Bernard Debroux a adopté la méthode du bon sens, c'est-à-dire celle du troc. Tandis que se promèneront chez nous le Teatro dell' Elfo, le Colletivo di Parma et les autres, des représentants du jeune théâtre belge se produiront sur les scènes italiennes. Ce volet-là de l'opération Rencontres de théâtre a déjà commencé, puisque l'Atelier a présenté Têtes rondes, têtes pointues, à Bologne, avant de commencer la série de ce spectacle à Paris. Les Italiens auront aussi l'occasion de faire plus ample connaissance avec le Bovary du théâtre Elémentaire, avec le nouveau « one man show » de Patrick Beckers, Dépaysage, avec Quarantaine par le Plan K, et Hedges, du groupe Triangles.

En Belgique, l'on verra aussi bien une modernisation de la Commedia dell'arte. Maschere, que des visions modernes de classiques, Amleto (Hamlet) ou Gli Uccelli (Les Oiseaux), une mise en scène très contemporaine de Strindberg, Il Padre, ou une variation inédite sur l'Odyssée, Il Gioco degli Dei.

Maschere — que l'on a vu à la place de la Monnaie, puis à Haine-Saint-Pierre, à Tubize et à Binche — est une production du Teatro di Porta Romana. Carlo Boso, qui a travaillé au Piccolo de Milan, y développe autour des avatars de Zanni, le serviteur par excellence, la critique sociale que contient la Commedia dell'arte.

Gli Uccelli (à Seraing le 5, à La Louvière le 6, à Woluwe-St-Pierre le 7 et le 8 mai) est une réalisation de Mémé Perlini, l'enfant terrible de la mise en scène italienne, qui anime la Nuova Scena di Bologna. Il met à profit son imagination débordante, celle qui inspira son Tarzan ou son Otello qui fit tant de bruit lors de la biennale de Venise de 1974, pour concevoir au départ de la pièce d'Aristophane, et avec le concours de l'excellent groupe Rock AreA, un spectacle sur l'utopie de la construction d'un monde alternatif.

Mina Mezzadri s'attache particulièrement à l'univers de Strindberg, qu'elle dissèque avec une précision toute chirurgicale. Dans Il Padre (production du Teatro di Porta Romana, que l'on verra au Centre Jacques Franck les 7 et 8 mai, à Namur le 10, à Seraing le 11 et à La Louvière le 22), elle cherche à donner une vision si pas féministe, du moins féminine, d'une pièce indiscutablement « sexiste » en isolant le personnage rigide et fragile du père, face à un monde féminin composite mais solidaire.

Gabriele Salvatores qui, avec son Teatro dell'Elfo, a notamment donné une version italienne du 1789 du théâtre du Soleil. Il Gioco degli Dei tire son matériau de l'Odyssée, d'une part, et de quelque 2.763 romans et bandes dessinées de science-fiction, qui servent de cadre aux incroyables aventures d'Elio, critique théâtral prédisposé au sommeil et au rêve (le 9 mai à Beringen, le 11 à Tournai les 13, 14 et 15 mai à la chapelle des Brigittines).

Enfin. Walter Lemoli et le Colletivo di Parma présenteront un Amleto volontairement drôle, plein d'allusions à notre temps, retrouvant dans le personnage disloqué du prince d'Elseneur, notre condition humaine actuelle (aux Halles de Schaerbeek, du 20 au 23 mai).

Des rencontres sont organisées avec les principaux animateurs de ces spectacles, à l'Atelier Sainte-Anne, à midi : Carlo Boso y sera le 30 avril, Mémé Perlini le 8 mai, Mina Mezzadri le 11, Gabriele Salvatores le 14 et Walter Lemoli le 22 mai.

Tous renseignements complémentaires peuvent être obtenus auprès d'Alternatives théâtrales (tél. 172.78.61) ou auprès de la Commission française de la culture, coorganisatrice de ces rencontres, au numéro de téléphone 230.28.90 (Mme François).

J.D.D. et L.H.