Archives du Théâtre 140


'Elle voit des nains partout' au 140



La Libre Belgique

3-1-1982

« Elle voit des nains partout » au 140

GENRE : parodie burlesque, « féerie dégoûtante » aux yeux de l'auteur.

AUTEUR ET METTEUR EN SCENE : Philippe Bruneau.

DECOR : Véronique Genêt.

DISTRIBUTION : Jean-Michel Haas, Diane Simenon, Gérard Loussine, Michèle Moretti, Nathalie Mazeas, Dominique Balzer.

De Rabelais à Jarry, de la « Rose rouge » de 1950 (avec « Terror of Oklahoma » ou « Orion le Tueur ») aux meilleurs Obaldia (souvenez-vous des alexandrins du western pour rire « Du vent dans les branches de sassafras » en 1965), du Café de la Gare au Splendid, il y a une tradition française de canular dyonisiaque qui se moque des modes et reste toujours vivante. Jo Dekmine, qui nous offre au 140, depuis tant d'années, les Galas Karsenty de l'avant-garde et du café-théâtre, se devait de nous amener le dernier échantillon de cette veine bien française qui fut un gros succès à Paris (à la Gaieté-Montparnasse pour finir) pendant près de deux ans.

Ce n'est donc pas un « frisson nouveau », on l'a dit, mais un spectacle roboratif d'une grivoiserie réjouissante, grossier sans être vulgaire, délirant de non-sens, délibérément indélicat, qui se présente comme une parodie burlesque de « Blanche-Neige », plus proche de Sade que de Grimm : voilà prévenus, ceux qui sont allergiques - et on peut les comprendre - à ce ton là. La parodie est d'ailleurs écrite en alexandrins de caramel qui font rimer « boulevard Jean Jaurès » avec « forêt épaisse » et qui ne reculent pas devant le pastiche douteux : « Pour qui sont ces canards qui cuisent dans la cocotte? ».

Blanche-Neige, « endive blanchasse », a attrapé un mauvais sort : elle est nymphomane, de sorte qu'elle voit des nains partout. Ces nains, que nous ne verrons guère, sont de malodorants cabots lubriques et le Prince Charmant est sorti de « la Cage aux folles ». On rencontre aussi dans la forêt le Petit Poucet qui est un affreux jojo, le Petit Chaperon rouge qui fait du jogging, le roi de France qui n'arrête pas de penser, un connétable qui ressemble à la fois à Philippe Moureaux et à Groucho Marx, un cuisinier italien et une servante niaise, le miroir magique qui est un ancien agent des P.T.T., Juliette et Justine, des fées bénéfiques et maléfiques. Avec du théâtre dans le théâtre, les comédiens qui commentent les répliques qu'on leur fait dire ou Blanche-Neige qui prie le public de l'excuser pour les énormités qu'elle profère : « J'avais donné mon accord avant d'avoir lu le texte », dit-elle.

Selon l'humeur, on rit un peu, beaucoup ou pas du tout. On rirait davantage sans doute si le rythme de ce spectacle fou-fou-fou n'était rompu par un entracte inutile. Pour notre part, nous avons ri mais pas tout le temps car on trouve dans le texte le meilleur et le pire. Retenons le meilleur et, dans la distribution (qui n'est pas entièrement celle de la création), les meilleurs comédiens qui jouent chacun plusieurs rôles: Jean-Michel Haas et Michèle Moretti.

Jacques HISLAIRE.

Auteur Jacques Hislaire

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Elle voit des nains partout

Date(s) du 1981-12-30 au 1982-01-09

Artiste(s)

Compagnie / Organisation La Compagnie Philippe Bruneau