Archives du Théâtre 140


Elle voit des nains partout. Tout au burlesque



Echo de la Bourse

7-1-1982

Elle voit des nains partout

Tout au burlesque

Faire rire : ambition suprême de tant d'amuseurs. Le résultat, finalement, est à l'échelle des moyens employés. Sans qu'il y paraisse, tout en douceur, les plus grands ont croqué, en quelques traits, les ridicules de leurs contemporains. La drôlerie et la finesse allant de pair, on s'aperçoit bien vite que ces types sont de tous les temps. Voilà des classiques.

Disons-le tout de suite : les visées de Philippe Bruneau et de sa compagnie sont nettement plus limitées. Ils n'ambitionnent pas de briller aux yeux de la postérité, même si, comme il est d'usage en pareil cas, leur autosatisfaction s'étale avec complaisance. Croient-ils vraiment à ce qu'ils disent lorsqu'ils s'affirment les promoteurs du « nouveau boulevard »?

Pour être concret, tous les admirateurs — aujourd'hui frustrés — du défunt « Charlie Hebdo » ne trouveront dans ce spectacle que motifs de contentement. Que les autres le sachent : nous sommes devant le burlesque le plus total

et le plus échevelé. En fait, la salle m'a paru curieusement divisée entre spectateurs qui s'esclaffaient et d'autres que la bêtise éclatante du propos ou, tout simplement, l'ennui privaient de toute réaction perceptible.

Il faut encore préciser que les moyens employés appartiennent, pour la plupart, à l'artillerie la plus lourde. Après tout, on a les rieurs que l'on mérite, et il est des êtres humains que la répétition insistante des mêmes mots crus suffit à plonger dans une sorte d'extase. On reste heureusement libre de penser que l'humour et l'esprit brillent ailleurs que dans ces propos orduriers et dans ces situations à la vulgarité provocante. Quand Philippe Bruneau, auteur et metteur en scène de Elle voit des nains partout, dénonce la vulgarité chez les autres, je me sens quand même pris d'une légère inquiétude en me demandant à quoi il peut bien penser.

Le miracle est que ces péripéties farfelues, largement échafaudées autour du personnage de Blanche-Neige, parviennent malgré tout à retenir un minimum d'attention, et à susciter, çà et là, par leur caractère attendu un rire de bon aloi, rarement dû au texte, le plus souvent à la mimique ou à la situation — rire de qualité, au reste, beaucoup trop rare ici.

Quant aux comédiens, je n'ai qu'à louer leur agilité et leur dynamisme qui ne se démentent pas un instant : Jean-Michel Haas, Diane Simenon, Michèle Moretti, Nathalie Mazeas, Dominique Balzer, avec une mention spéciale pour le comique varié de Gérad Loussine, cuisinier italien, Petit Poucet et prince charmant, d'abord efféminé puis brusquement virilisé. Vous devinez le reste...

Jean-Pierre CORDIER

Auteur Jean-Pierre Cordier

Publication L'Echo de la Bourse

Performance(s) Elle voit des nains partout

Date(s) du 1981-12-30 au 1982-01-09

Artiste(s)

Compagnie / Organisation La Compagnie Philippe Bruneau