Archives du Théâtre 140

Le Soir

18-1-1982

Les « oiseaux » du Radeis face à l'œuf de Colomb

De l'œuf ou de la poule, lequel existait en premier lieu? Ce paradoxe existentiel, dont le doute colossal hante, fatalité inexorable, toute l'insensée aventure de l'homo sapiens, voici qu'enfin Radeis nous le dénoue. Ni l'œuf, ni la poule, mais bien le poulailler : c'est l'œuf de Colomb!

Du kiosque de « Sierkus Radeis » à la fermette de « Wegens Ziekte », de l'îlot d'où on devinait l'Angleterre aux « Echafaudages » de leur prochain spectacle, Radeis a toujours eu un faible pour le décor-cage, ce microcosme où l'absurde le plus banal, magnifié sous la loupe, prend des proportions et une densité métaphysiques : ainsi ce poulailler, métaphore de toutes les geôles confortables que l'homme préfère aux périls du vaste monde...

Mais ce monde, ajoutent-ils, est un ballon entre les mains d'un gamin imbécile : et bing! et vlan! comme dans les dioramas catastrophés de leur « Gag-o-Matic », voici que la cage devient ring de catch, mare aux canards, carrousel, échafaud, tréteau forain, et que nos trois curieux oiseaux n'en finissent plus de changer de ramage comme de plumage au fil d'une histoire pleine de loopings, de trous d'air et de virages sur l'aile.

Tout l'improbable attirail de l'humour slapstick cher à W.-c. Fields y passe, promenade arbitraire dans un supermarché de la démence, où le moindre objet devient prétexte à gag, à parodie, à farce loufoque, à numéro de variétés, à rire... Drôle? C'est mieux que drôle : inquiétant, presque affolant à force d'être imprévisible (un aspect qu'accentuait encore, lors de la première présentation de « Vogels » au Beursschouwburg, une liste des sketches épinglée au mur du fond, ajoutant le plaisir de la devinette au charme de la surprise). Vertigineusement drôle!

DANIEL DE BRUYCKER.

Jusqu'au 23 janvier au Théâtre 140 (20 h 30).