Archives du Théâtre 140


Pour ses vingt ans, le Théâtre 140 réalise vraiment tous ses phantasmes!



Le Soir

16-9-1982

Pour ses vingt ans, le Théâtre 140 réalise vraiment tous ses phantasmes!

Jo Dekmine est le plus curieux des directeurs de théâtre! A Bruxelles, il va tout voir, ou presque. Et quand il quitte l'avenue Plasky, c'est pour courir à Avignon, New York, Londres ou Paris. Résultat : les spectateurs du Théâtre 140 sont de grands gâtés!

Une saison-marathon, véritable tour du monde de la création, qui démarre sur des hélices, avec en moyenne six spectacles par mois, de quoi déguster dans l'ivresse du décalage horaire, le théâtre et la performance, le rock et le jazz, la danse et la chanson. Il y aura les tout grands — Brook et Bashung par exemple — mais attendez-vous aussi à de nouveaux coups de foudre car Jo Dekmine est un découvreur infatigable. J'allais oublier : le 140 a vingt ans cette année. Et heureusement il a reçu les moyens de fêter dignement cet anniversaire. C'est ce qui nous vaut la meilleure programmation qu'on y ait jamais vue probablement.

Vingt ans, cela signifie que ceux qui ont connu les tout débuts du 140 sont légion. A l'époque Jo Dekmine avait réussi à convaincre les responsables d'« une salle paroissiale » d'ouvrir leurs portes aux artistes qui ne trouvaient pas de hâvre à Bruxelles! On allait tout connaître au 140 : Jacques Dufilho surgissant en servante bretonne et Barbara, le regard halluciné des acteurs du Living Théâtre et les débuts du Magic Circus, un Trenet ressuscité et Rufus, Lionel Hampton, les Queen et les Pink Floyd, les Radeis et les Japonais de Sankai Juku... Tout cela grâce au soutien de mécènes privés avant que les pouvoirs publics réalisent enfin l'importance de l'entreprise.

Des autoscooters aux Halles!

Mais foin de nostalgie et cap sur la saison 1982-1983. Pour ouvrir le feu, une authentique comédie musicale américaine mise en scène par Lee Breuer pour amateurs de rétro rock-spirituel et d'écriture midinette : Sister Suzie Cinéma et Gospel at Colonus, du 27 septembre au 1er octobre, soit une quinzaine de chanteurs noirs psalmodiant, sur fond d'orgue, de piano et de percussions, la grande famille américaine et l'âge de l'aéronautique, puis un Œdipe qui aurait les traits de papa Ray Charles. L'Art Ensemble of Chicago donne rendez-vous, le 2 octobre, aux amateurs de jazz joyeux et déchiqueté qui a fait leur renommée. Du 6 au 14 octobre, Peter Brook viendra avec un de ses spectacles les plus envoûtants — l'Os — inspiré d'un conte africain. Au même programme Prince Abdoulaye Ciccokho.

Après M 7 Catalonia, le nouveau spectacle de Els Joglars : Olympic Man Movement, une superproduction espiègle et terrifiante où l'Ordre Nouveau reparaît à travers le culte de la performance sportive. (Du 19 au 23 octobre). Le poète au rock Peter Hammill sera au 140 le 28 octobre, tandis que, le 30, Albert Pepermans dansera au finish avec les spectateurs tentés par l'expérience, au son du groupe Never Mind d'Overijse. Et on nous promet des autoscooters dans les Halles de Schaerbeek! En collaboration avec Hugo Degreef, Jo Dekmine propose du 8 au 20 novembre un mini festival international de danse actuelle Le Nouveau Corps. Tous les jeudis de novembre, à minuit, au café des Halles, entrée libre pour performance inédite. Le 19, Gilbert Laffaille, puis, du 23 au 27 novembre, retour au théâtre — naturaliste cette fois — avec Trio de Kostzer par le groupe Tsé. Bashung viendra le 3 décembre pour interpréter les dernières chansons de Gainsbourg, puis, du 6 au 11, deux comiques visuels découverts à Avignon, la Cie Speedy Banana. Alexandre Révérend, une révélation du Festival de Spa, et les très londoniens Hanasome Cads qui ressuscitent le caf'conc' victorien sur fond de palmier d'appartement, du 28 décembre au 1er janvier.

De Copi aux morts thibétains

L'année 1983 s'ouvrira avec Art Blakey and the Jazz Messengers, continuera, toujours en janvier, avec la plus grande chorégraphe actuelle Pina Bausch qui dans Kontakthof aura les traits d'une directrice machiévalique de cours de danses mondaines. Un spectacle rendu possible grâce au Goethe Institut. Dracula, du 13 au 22 janvier, ou comment les merveilleux mimes anglais du Théâtre Whispers imitent le bruit des charnières. Du jazz africain en février. Ensuite, une pièce de Copi qui a fait trembler les Parisiens — La Tour de la Défense — avec Bernadette Laffont et Pierre démenti, Le Bread and Puppet reviendra au 140 avec La Tempête de l'enfant le plus jeune, suivi, quelques jours plus tard, de Yohni Oida dans Le Livre des morts thibétains. En mars, Jerry Mulligan, un des grands du jazz, puis The Articuled Man par la Ping Chong's Fiji Company de New York ou « Le Dépeupleur » avec l'interprète préféré de Beckett David Marilowe, mis en scène par Lee Breuer.

D'autres spectacles s'ajouteront en cours de saison. Rappelons qu'on ne s'abonne pas au 140, qu'on « s'y adonne », mais que la meilleure formule pour obtenir des places sur un simple coup de téléphone est d'y souscrire un compte ouvert. Et nous ne parlerons pas des petits avantages en nature offerts par la maison pour ses vingt ans.

M. J.

Auteur M.J.

Publication Le Soir

Performance(s)

Date(s) 1982-09-16

Artiste(s)

Compagnie / Organisation