Archives du Théâtre 140


'L'Os' de Peter Brook au 140



La Libre Belgique

12-10-1982

« L'Os » de Peter Brook au 140

GENRE : farce.

AUTEUR : Peter Brook.

MISE EN SCENE : Peter Brook.

DISTRIBUTION : Malick Bowens, Bruce Myers, Mireille Maalouf, Hélène Patarot, Abdelkader Aboulitan, Toshi, Christian Pelissier, Laurent Mazargui, Masdowai N'Gar-Ygam, Christian Van Cau.

C'est un spectacle exceptionnel que nous donne le 140 avec ce conte africain actualisé par Malik Bowens et Jean-Claude Carrière. La mise en scène de Peter Brook reste éblouissante tant au niveau des enchaînements qu'au niveau des variations apportées aux différents rôles. Le décor reste sommaire suivant les principes de l'auteur et permet, paradoxalement, de renforcer sa fonction connotative. Quant à l'aspect musical, un soliste adapte sa percussion suivant les rythmes et les situations de ce conte tragi-comique. Auparavant et afin de plonger le spectateur directement dans son univers, Peter Brook propose un mini-récital de musique sénégalaise. Haut en couleur et merveilleusement doué, Prince Abdoulaye Ciccokho chante en plusieurs langues les contes moraux de son pays en s'accompagnant d'une cora, sorte de guitare à vingt et une cordes. Les yeux remplis de songes et de rêves africains, le spectateur peut alors se plonger directement dans le monde fabuleux de l'Os. Mor Lam, notable d'un petit village, se souvient que Moussa, son frère de case, son « plus que frère », ne lui a pas encore remboursé l'argent qu'il lui devait. Pressé d'en finir, Mor Lam envoie un messager qui lui ramènera, en guise de paiement, la vache de son « plus que frère ». Hélas, et la coutume le veut ainsi, la vache doit être partagée entre tous les villageois. Dépité et déçu, Mor Lam se verra contraint à accepter mais exigera le jarret de la bête, cet Os dont il rêve depuis si longtemps. Un malheur n'arrive jamais seul et Moussa, son frère « plus que frère » avec qui il doit tout partager, arrive à point nommé pour manger l'Os.

Bien décidé à ne pas partager son bien, Mor Lam simulera la maladie et même la mort, espérant éloigner par là cet intrus. Il sera alors enterré vivant, poursuivant une pensée absurde et egoïste.

Relativement courte, cette espèce de farce est menée tambour battant et imprime à l'ensemble une force et un allant uniques. Totalement orienté vers le spectateur et profondément désireux d'installer un contact entre le public et la scène, Peter Brook renouvelle encore une fois cet exploit. Car si L'Os ne souffre ni temps mort ni essoufflement, il exige en revanche un rythme et une ardeur sans faille. La symbiose créée est alors telle qu'elle englobe acteurs et spectateur; pour ne plus les quitter jusqu'à la dernière réplique. Une percussion parfaite, des acteurs aux talents aussi variés que leurs origines hantent cette farce pour son plus grand bonheur.

Malick Bowens est un Mor Lam plein de malice et Bruce Myers campe un « plus que frère » sans faille. Toute la distribution reste d'ailleurs heureusement dans la ligne de la tradition. Un spectacle rare où le temps passe trop vite.

(Au Théâtre 140 jusqu'au 14 octobre).

G.K.

Auteur G.K.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) L'Os

Date(s) du 1982-10-06 au 1982-10-14

Artiste(s) Peter Brook

Compagnie / Organisation