Archives du Théâtre 140

Le Drapeau Rouge

16-1-1983

Une pinte de bon sang

Le « Dracula » des « Whispers »

Curieuse destinée parfois que celle d'une œuvre littéraire. Ainsi celle de cette nouvelle de Bram Stoker, Dracula, œuvre secondaire d'un écrivain sans grande envergure. Est-ce parce qu'elle éveille dans l'inconscient collectif quelque peur très ancienne? Il y aurait là un beau champ d'investigation pour les psychologues et autres tenants des conceptions de Jung. A moins que ce ne soit tout simplement le thème, qui se prête à d'infinies films d'horreur à l'américaine, la dérision d'un Polanski ou l'esthétisme d'un Herzog.

La sphère théâtrale n'y est pas demeurée insensible. Au niveau de l'actualité des scènes en Belgique, cela va des nombreuses références du nouveau spectacle des Colombaioni au Dracula que le « Theatre Whispers » de Londres présente en ce moment au 140 (*). « Whispers » en anglais signifie chuchotements, bruissements, murmures et, dans un sens second, rumeurs, bruits... C'est bien de cela qu'il s'agit ici.

Ils sont quatre — Gabrielle Cowburn, Simon Elliot, Graeme Hattrick et Michael Mulkerrin — à tout faire dans ce spectacle. Ils jouent Dracula de Stoker au plus près du texte, en ne gommant pas — comme l'a fait par exemple le cinéma américain — le côté sensuel, un certain érotisme. Mais, en plus, ils sont le décor sonore (et c'est important ici) : les bruits de la nuit, portes qui grincent, oiseaux nocturnes...

Tout cela, bien sûr, avec un humour énorme. C'est drôle, très drôle. Au niveau des images, des mimiques comme de la parole (avec ce savoureux transylvanien qu'ils ont inventé — avec chants et danses folkloriques en prime — et j'en profite pour rassurer ceux qui comme moi ne sont pas très doués pour la langue de Shakespeare... ou le transylvanien: pas besoin du

Harrap's ou du... Kroupski, le discours est limpide). Avec pour tout décor, quatre grands coffres à double fond que leur fantaisie — et leur savoir-faire — transforme tour à tour en wagon de chemin de fer, en cabriolet, en murs de manoirs ou en tombeaux. L'ensemble est d'une rare efficacité. Et d'un tonique! Alors, si vous voulez vous payer une pinte de bon sang, (cela s'imposait, non?), n'hésitez pas : allez voir Dracula et les « Whispers ».

Francis CHENOT.

Au Théâtre 140, avenue Plasky, 140. Jusqu'au 22 janvier A 20 h 30. Ce dimanche à 15 heures au Foyer socioculturel de Braine-l'Alleud. Le 24 à la Maison de la culture de Namur, le 25 au Foyer culturel du Sart-Tilman, le 26 au Théâtre de l'Ancre à Mont-sur-Marchienne et le 27 au « Limelight » à Courtrai.