Archives du Théâtre 140


Dracula au 140



La Libre Belgique

16-1-1983

Dracula au 140

L'Horrible exerce sur les foules une fascination accrue, si l'on en juge par la vogue des films d'épouvante. Cependant, il faut reconnaître que si les mythes éprouvés du répertoire (les Frankenstein et Dracula...) sont toujours sollicités, on ne recourt plus guère a leur image que pour s'en gausser…

La parodie : tel est le genre choisi précisément par une jeune troupe anglaise, The whispers Company, dans Dracula basé sur le roman de Bram Stoker. Ces quatre jeunes comédiens se sont signalés au dernier « International Mime Festival » de Londres. C'est dire qu'en l'occurrence, le geste, l'attitude, la mimique, la grimace sont souverains. Et ils se trouvent pliés à un art d'illusionniste qui tend à suggérer le maximum de choses avec un minimum d'accessoires.

Trois longues caisses, tour à tour fermées, ouvertes, déployées, renversées, manipulées en tous sens, se font successivement carriole train, cercueil, escaliers, couloirs conduisant à des caveaux humides et à un manoir hanté. Gémissements du vent, claquements et grincements de portes, battements d'ailes des chauve-souris, cris de chouettes, bourdonnement d'une mouche, vagissement d'un bébé, créature innocente égarée dans un monde de cauchemar...

A ces bruits et cris, produits non par une bande sonore, mais par les acteurs eux-mêmes, s'ajoute, occasionnellement, la parole : la Whispers Company a mis au point un langage inventé de toutes pièces, un langage soi disant « transylvanien » qui est un savoureux sabir, formé d'allemand et d'anglais...

En fait, cette troupe fait se mélanger différentes disciplines: acrobates non moins que mimes, les acteurs ont choisi de transporter sur la scène la double tradition du cirque et du music-hall (cette invention spécifiquement anglaise) à laquelle ils adjoignent le style caricatural grotesque de certaines bandes dessinées modernes et - de loin en loin - la technique du cinéma dont ils imitent tantôt la vivacité de mouvement et tantôt le « ralenti ». Quant aux décors, aux costumes et aux masques, ils se fondent sur de vives oppositions de noir et de blanc.

Il en résulte un spectacle brillant fondé sur l'exploitation humoristique et paroxystique de la violence et de la peur, où le surnaturel se trouve sans cesse tourné en dérision. Brillant, mais superficiel : Giraudoux a appelé, à juste titre, la parodie, ou le persiflage, les « formes secondaires de la satire ». Et cette pantalonnade bouffonne, d'où la scatologie n'est pas exclue, serait lassante à la longue si elle n'était animée par des acteurs d'un dynamisme et d'une force de conviction exceptionnels, comme il ne s'en trouve qu'en Grande-Bretagne. Grâce à ce travail d'équipe, dont l'efficacité est le résultat d'une précision et d'une coordination exemplaires, soutenues par une endurance physique sans défaut, le spectacle apporte délassement et dépaysement, même si on l'oublie à peine sorti de la salle...

Théodore LOUIS.

Tournee en Belgique de « Dracula » (organisée en collaboration par le Théâtre 140): Dimanche 16 janvier, a 15 h, Foyer culturel de Braine-l'Alleud; lundi 24, a 20 h 15, Maison de la Culture de Namur, mardi 25, a 20 h, Foyer culturel du Sart Tilman, Liège; mercredi 28, à 20 h, Théâtre de l'Ancre, a Mont-sur-Marchienne. Jeudi 27 janvier, à 20 h 15, « Limelight », a Courtrai.

Auteur Théodore Louis

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Dracula

Date(s) du 1983-01-13 au 1983-01-22

Artiste(s) Whispers

Compagnie / Organisation