Archives du Théâtre 140


Le 'Bread and Puppet' au Théâtre 140. Les astuces de l'imagination au service de l'imaginaire



Le Drapeau Rouge

1-3-1983

Le « Bread and Puppet » au Théâtre 140

Les astuces de l'imagination au service de l'imaginaire

Ces grands enfants américains du « Bread and Puppet Theatre » s'étaient révélés, à la fin des années soixante, pour savoir jouer de manière inédite de l'artifice des masques, des marionnettes et des déguisements. On avait eu l'occasion de les apercevoir à deux reprises à Bruxelles au Théâtre 140, où leur utilisation de l'allégorie, du rêve, avaient paraît-il suscité beaucoup de plaisir.

Représentée du 25 au 27 février dernier à nouveau au 140, La tempête de l'enfant le plus jeune est la dernière création de cette communauté qui fabrique aussi son pain et qui voudrait, dirait-on, réinventer une vie sociale plus proche des gens.

L'enfant le plus jeune est le dernier-né d'une civilisation en proie à l'apocalypse qu'elle a elle-même créée. Une vision poignante de vieillards apeurés et tremblant sous la bourrasque dessine la première métaphore. Au son d'une impossible machine à faire du vent, l'effet visuel est créé par des masques de carton animés par les comédiens. Ceux-ci conduisent ensuite un petit pantin au visage étonnamment rebelle à travers les conditionnements de l'apprentissage. Avec une grande économie de mots et à coups d'astuces techniques, quelques moments sont éminemment suggestifs: l'allégorie d'un superbe tigre de tissu (sous lequel se cachent deux artistes) ondoyant et rugissant autour d'un feu plus vrai que nature puis chevauché par la fillette en est un. La scène où de braves gens au visage ravagé (encore un masque!) répètent: « Nous sommes bons et forts. Nous vaquons à nos occupations. Nous mangeons. Nous mangeons encore. Nous sommes forts et c'est la vie » en est un autre. A ce moment-là, la reproduction simplifiée d'un décor de cuisine par une toile peinte a au moins la force du miroir: renvoyer au public une des images possibles de son quotidien.

Au-delà de ces mises en scène où affleure parfois une charge subversive, au-delà du plaisir réel de s'en laisser conter, une certaine démarche mystique du « Bread and Puppet Theatre » tisse un voile d'incompréhension. Au terme de La tempête de l'enfant le plus jeune traîne un message cousu de lieux communs, au détriment malheureusement d'un art réel de l'exploitation du plaisir visuel.

Françoise NICE

Auteur Françoise Nice

Publication Le Drapeau Rouge

Performance(s) The Thunderstorm of the Youngest Child

Date(s) du 1983-02-25 au 1983-02-27

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Bread and Puppet Theater