Archives du Théâtre 140


Important festival international de danse: 'Klapstuk 83' accueillera Merce Cunningham à Louvain



La Libre Belgique

12-10-1983

Important festival international de danse

« Klapstuk 83 » accueillera Merce Cunningham à Louvain

Le « Klapstuk » à Leuven a une longue tradition de festivals automnaux derrière lui, théâtre, cinéma, vidéo, danse et tous spectacles d'avant-garde ont souvent profité de l'occasion pour y produire leurs dernières créations.

Cette année, suite au grand succès des spectacles Fase et Rosas d'Anna Teresa de Keersmaker, les organisateurs ont pris le risque de tout miser sur un festival de danse uniquement. Audace d'envergure que d'oser mettre sur pieds le premier festival international chorégraphique d'importance en Belgique et d'arriver à y amener des sommités tels Merce Cunningham ou Suzanne Linke, maîtres à danser de leur génération. Audace fructueuse « arrivant juste au bon moment » comme le dit Michel Uytterhoeven, l'organisateur des manifestations, puisque avant le début du festival une grande partie des places étaient réservées et que les premiers spectacles remportent un succès enthousiaste.

Le programme du festival se veut, nous explique M. Uytterhoeven en jubilant dans sa barbe, « un panorama de la danse contemporaine, représentant, de manière presque didactique, les grandes tendances actuelles : du mouvement américain au néo-expressionisme allemand, sans oublier le Butoh japonais et nos jeunes chorégraphes talentueux: Rosas et Jan Fabre ».

Merce Cunningham, chef de file de la post modern dance américaine, (Picasso ou plutôt Mondrian de la danse), est suivi de danseurs originaux, influencés par sa brillante technicité, mais ayant développé une gestique personnelle : Dana Reitz, Billi T. Jones, Arnie Zane, et l'Anglais Michaël Clark. L'autre pôle de la danse aujourd'hui, loin de l'abstraction de l'école Cunningham, ressort de ce qu'on appelle à plus ou moins juste titre le néo-expressionisme allemand. Dans une parenté de style avec Pina Bausch, mieux connue chez nous après son récent spectacle au T.R.M., Suzanna Linke avec son Folkwang Tanzstudio et Ilka Doubek nous présentent une recherche originale et tout aussi intense. Enfin, après Carlotta Ikeda, la chorégraphe d'Ariadone, il ne faut pas manquer de voir nos jeunes représentants, Rosas, dans une démarche d'abstraction répétitive poussée à l'extrême, et Jan Fabre avec sa gigantesque synthèse théâtrale des courants picturaux et gestuels de ces dernières années. Le Ballet théâtre de l'Arche, seul représentant français, se livre à l'étonnante performance de danser Beckett sans prononcer un seul mot de ses textes.

Rosas, Carlotta Ikeda et Michaël Clark

Rosas a ouvert le festival en réitérant sa conjugaison de gestes, parfaitement synchronisés ou décalés, qui firent déjà couler beaucoup d'encre tant en Belgique qu'à l'étranger.

Carlotta Ikeda, célébré par son Zarathoustra, joué par le seul groupe de femmes japonnaises Butoh et utilisant de grands effets scéniques et esthétiques (ou anti-), a présenté le solo Utt en création mondiale. Malgré de superbes performances physiques de mise en tension du corps suivie d'explosions d'énergie impressionnantes, nous sommes un peu déçus d'y retrouver les mêmes effets que dans Zarathoustra (le sable, les lumières...), avec une accentuation de l'impression de voir un spectacle japonais pour Européens qui emploie suffisamment d'exotisme et de musiques occidentales pour séduire un spectateur désorienté. Pas de surprises donc, mais de merveilleuses images à ranger dans la boîte à souvenirs.

La révélation fut, vendredi, l'éblouissant spectacle de Michaël Clark ; ce jeune danseur de 21 ans, pourvu d'une parfaite technique classique et d'une virtuosité étonnante, bondit et virevolte sur scène avec une telle grâce (entendez « bénédiction des dieux ») et une telle intensité de présence, qu'il accapare tous les regards en permanence.

Dès son entrée, dardant sur le public un regard pur et clair, il accroche la lumière de son corps immobile et le moindre de ses mouvements s'amplifie d'un rayonnement presque magique. Telles les étoiles d'antan ou les grandes stars d'aujourd'hui : un nouveau Nijinsky ou un David Bowie de la danse. Vêtu de noir, son gilet largement déchiré, il déploie dans le voisinage de vidéos ou de télévision, un mouvement qui parodie et exalte le romantisme des anciens ballets. Puis il se lance dans un solo, vertigineux de précision et de rapidité, construit avec des mouvements étranges et saccadés sur une musique de Bartok. Les vidéos, retransmettant une chorégraphie sous différents angles, ne semblent là que pour mettre en valeur l'intensité de sa présence. Le final, jouant sur le travestissement progressif d'homme en femme, fait éclater, à travers ce glissement toute la force et la beauté de sa maîtrise dans la dérision totale.

P.K.

Il ne reste des places que le 13 octobre, pour Ilka Doubek, le 13 et le 14 octobre pour le Folkwang Tanzstudio, le 20 octobre pour Dana Reitz, le 22 octobre pour Merce Cunningham et en extra le 13 octobre à 20 h 30, Billi T. Jones et Arnie Zane, le 17 octobre May be et le 19 octobre à 16 h, Jan Fabre.

Auteur P.K.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Rosas danst Rosas

Date(s) du 1983-10-12 au 1983-10-13

Artiste(s) RosasAnne Teresa De Keersmaeker

Compagnie / Organisation