Archives du Théâtre 140


Radeis au 140: dernier round avant le recyclage…



Le Soir

29-3-1984

Radeis au 140 : dernier round avant le recyclage...

Echafaudage s'en était allé à Avignon représenter la Belgique...

C'était en 1983. Dernier spectacle des Radeis en tant que tels — quatre hommes silencieux, quatre hommes sans femmes jouent la vie, et le comique naît du rythme qui propage les gags comme traînée de poudre — Echafaudage prendra bientôt le chemin de Los Angeles pour signaler — au milieu des olympiaes — le plat du pays aux Américains.

Un beau happy end pour un groupe qui travaille à faire craquer ses jointures, met tranquillement une croix sur le travail de huit ans et rouvre grands yeux et oreilles pour « faire autre chose ».

Point de dissension dans le groupe, ni de bagarre : Jos, Pat et les autres veulent simplement changer de disque. Echafaudage est donc leur chant du cygne et, comme toujours avec les Radeis, on n'est pas loin du théâtre à la réalité.

Sur le plateau, il y a des machines et des hommes en salopette, qui manipulent ces machines. Mais les machines sont toujours les plus fortes, pareilles à des bêtes sournoises, elles vous suivent ou vous précèdent, vous rabotent, vous décapent, vous laminent, rouages trop parfaits qui tournent à vide, passent l'existence à la moulinette et creusent en dedans de vous un trou que rien ne pourra combler. Avec elles, on peut tout construire. Mais tout aussi bien se retrouver nu comme un chien. Et les gestes des ouvriers d'enfler, de devenir fous, à leur tour...

Métaphore de la crise, du désir d'en finir et de repartir vers d'autres horizons de la vie et du spectacle? Jos n'aime pas ce mot. Simplement, cela marche trop bien entre eux quatre, et il a peur, comme tous ceux qui créent, de s'enliser dans un style et d'endosser une étiquette. La subversion, la vraie, a ses exigences que le confort ignore...

Ce qui est sûr, c'est que Echafaudage signe un vrai travail théâtral « sur le terrain ». Un travail qui voulait prouver qu'on pouvait, sans la moindre petite subvention, vivre et bouger sur un plateau, faire rire et réfléchir,

s'imposer (les Radeis « tournent » énormément à l'étranger) et finir par « se trouver » au point de se trouver trop bien.

Aujourd'hui, Jos a d'autres projets. D'abord, il lui pèse de ne plus avoir joué avec une femme depuis huit ans, et puis il est attiré par une certaine forme de danse contemporaine; enfin, il veut reparler! Dans la maison qu'ils ont achetée, rue Notre-Dame du Sommeil, leur association, baptisée Schaamte (pudeur plutôt que honte), les Radeis s'accordent un an de réflexion. Et pour mieux réfléchir, ils regroupent, à leurs côtés, ces autres étoiles montantes du spectacle flamand que sont Anna Teresa de Keersmaeker et l'Epigone Theater.

En attendant, rendez-vous au « 140 » où, pendant quatre soirs, les Radeis apparaîtront, pour la dernière fois sans doute, tels qu'en eux-mêmes l'éternité n'est point parvenue à les changer.

DANIÈLE GILLEMON.

(Du 28 au 31 mars, à 20 h 30, théâtre 140, avenue Plasky, tél. : 733.97.08.)

Auteur Danièle Gillemon

Publication Le Soir

Performance(s) Echafaudages

Date(s) du 1984-03-28 au 1984-03-31

Artiste(s) Radeis

Compagnie / Organisation