Archives du Théâtre 140


Pour une saison 'majoritaire' au 140 sus au malentendu, vive l'opéra-tango!



Le Soir

19-9-1984

Pour une saison « majoritaire » au 140 sus au malentendu, vive l'opéra-tango!

« Non, nous ne sommes pas des intellos! » proclame Jo Dekmine en ouverture de la XXIIe saison du Théâtre 140. Hérault de tous les « décalages » (horaires et autres), il entend en finir enfin avec « le malentendu flatteur et un peu stupide » qui voudrait que la salle de l'avenue Plasky « intimide la majorité silencieuse » et ne soit que « la cour de récréation des grands cerveaux, une sorte de réserve pour un public de mandarins capable de décoder les messages les plus retors ».

Ce souci du décloisonnement, de l'ouverture, de la démystification turlupine depuis belle lurette notre homme qui, en mai dernier, y confrontait en une première réunion de déblayage quelques professionnels du spectacle et des professeurs de français — médiateurs privilégiés auprès du public de demain (et pourquoi pas d'aujourd'hui).

« Tous au 140! » plaide-t-il donc, pour une saison « riche en vedettes et en prospectives » regroupées en un de ces slogans-boutades dont Dekmine a le secret : l'opéra-tango. « Parce que nous, on aime le tango — sur partitions originales — et l'opéra point à la ligne et en tous genres, fût-il abstrait, vacancier, perverti, gastronomique, guinguette pourquoi pas. » Qu'on en juge sur pièces...

De Mexicaanse Hond d'Amsterdam (ex-Hauser Orkater) joue et chante en français La Loi de Luisman, avec une logique obstinée dans le chassé-croisé des questions et des réponses absurdes entre un instituteur tyrannique et ses cancres — sur fond de musique « life » (jazz-rock et « kurt weillienne » quelque part) — (le 27 septembre en soirée portes ouvertes pour les Fêtes de la Communauté... française!, le 28 et le 29). Zouc la Suissesse noire revient, dans un tout nouveau spectacle polaroïd entièrement consacré à la femme et livré sur canapé, tour à tour ventre, berceau, lit, bateau ivre... (du 9 au 13 octobre). Retour encore, celui d'Ornette Coleman (plus vu à Bruxelles depuis...?), mais en septet : l'autre visage du père du free jazz et de « l'harmolodic diatonic funk » (le 15 octobre).

Promis en mai, voici en octobre Dupont-la-Joie de Flandre Occidentale selon Epigonen Z.L.V. : un Couteauoiseau humoristique, violent, situationniste, visuel — et sans paroles (du 17 au 20). Josefina (« une toute grande », dit-il), Ernesto Rondo et trois danseurs restituent l'aujourd'hui du (vrai) Tango de Buenos Aires — tous droits réservés. Après le spectacle, tango sur scène... (les 26 et 27 octobre, en collaboration avec le Festival du Jeune Théâtre de Liège). Coin rock, pour donner un exemple (et une leçon d'harmonie), The Nits, dans la lignée d'X.T.C. (le 6 novembre). Myrian Mézières (ex-Magic Circus, ex-Splendid) est une Gauchère contrariée : rien de tel pour louper son crime de l'Orient-Express — en gare du... bar-fumoir des Halles de Schaerbeek, et en trois langues siouplaît (du 6 au 10 novembre).

Pour enfants et adolescents entendant l'allemand, le 140 héberge au nom du Goethe Institut (ce n'est pas la première fois) dans le cadre de l'opération Berlin-Brüssel, le Gripstheater avec Der Spinner (les 10 et 11 novembre en matinée). Une certaine magie de mante religieuse, « mode », oui, mais celle d'après-demain : voilà sans doute ce qui valut à Elisabeth Wiener d'être la grande évacuée du festival de Spa 83. Où Dekmine rattrape les dégâts... (le 16 novembre). La « jeune danse française » fut l'un des leitmotive d'Avignon 84 — avec des bonheurs inégaux. Dominique Bagouet y était en solo. Il nous arrive ici avec sept autres compagnons en des Déserts d'amour qui disent aussi « des heures d'humeur » (en novembre, sous réserves). « Totalement intolérant mais d'une grande honnêteté intellectuelle », paraît-il, Pierre Desproges pousse pour la première fois à Bruxelles Un cri de haine désespéré où perce néanmoins une certaine tendresse : Guy Bedos (salut les copains! ) en signe la chorégraphie et les cascades!? (du 27 novembre au 1er décembre).

Grand-père Schlomo, alias Lionel Rocheman, raconte l'exode et le ghetto, documents à l'appui : un « must » de l'humour juif — tendre, tendre (du 4 au 8 décembre, aux Halles). Ce rapport médico-moral et parfaitement monstrueux, porté à la scène par Claude Degliame, fut l'un des chocs de l'off-Avignon 84 : il s'intitule Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles (mon enfant, ma sœur...) (au 11 au 15 décembre). Jacques-Villeret-le-drôle, qui fait monter en neige les blancs du quotidien et les jaunes de la culture, « assure » le Nouvel An avec un show tout neuf (les 27, 28, 29 et 31 décembre). Prucnal 85, c'est L'Opéra, trilingue, « strassé » et bourré de mémoire jusqu'à la gueule (du 16 au 19 janvier). Frère jumeau du précédant Enfant trouvé cherche parents à adopter (vu ici-même), le Rire à pleurer de Rufus fut l'une des bougies du dixième anniversaire de l'Atelier Sainte-Anne, la saison dernière (du 30 janvier au 2 février). Roland Topor et Jean-Michel Ribes refont le « boulevard », sans lésiner sur les moyens : en trio, carrément, comme au bon vieux temps du Monsieur dans l'armoire — enfin, presque... (du 4 au 10 février).

A Spa, il nous avait laissés sceptiques. Voyons voir ce qu'Alec Mansion (« Guimauve? Non, marsh-mallow! » dit Dekmine) donne en « longue durée » (le 16 février). D'Avignon encore (mais de Bourges aussi), André Ligeon-Ligeonnet, pionnier vidéaste, met Shakespeare en miroir : III, 3 Othello (du 26 février au 2 mars). L'univers d'Alice au pays des... Beatles : le Group/O italo-américain chorégraphie femmes lézards et hommes lapins sur la musique des quatre « scarabées » (en mars). Giovanna Marini est... quatre pour une Cantate n° 2 sortie des Pouilles et de Calabre (mars). The Way of How de George Coates (from San Francisco), consiste à catapulter les chanteurs d'opéra dans l'audiovisuel, comme autant de Robinson (du 20 au 23 mars). Six saisons ont passé : elles sont toujours trois, toujours elles, mais différentes néanmoins, les Jeanne, ma sœur Jeanne, ne vois-tu rien venir (du 26 au 30 mars). Mais ne cherchez plus 4 Litres 12 à l'affiche : une méchante maladie les retient à Nancy, provisoirement.

Enfin, question santé, il semblerait que celle du Kaai Festival (frère consanguin du 140) ne soit pas brillante non plus, au point qu'on parle d'annulation, faute de globules... argentés.

C. DG.

Auteur C. DG.

Publication Le Soir

Performance(s)

Date(s) 1984-09-19

Artiste(s)

Compagnie / Organisation