Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

19-10-1984

Couteauoiseau par Epigonen, au 140

Une lame grinçante et drôle sur la gorge des « petits bourgeois »...

De la matière vivante au produit rôti, l'hôte prépare le repas pour ses convives. Chaque acteur isolé s'éclaire et manifeste une impatiente fébrilité toujours croissante, un dégoût de soi, de son corps toujours grandissant. Sur les visages crispés éclate l'angoisse comme un rire jaune qui fuse dans un silence de glace. Tous les gestes, les borborigmes sont fêlés et sous-tendent des rapports de force déséquilibrés qui n'engendrent qu'oppression lourde.

Et quand le faisceau lumineux se fixe momentanément sur eux comme un éclat de magnésium, les couples ne présentent qu'images sereines et harmonieuses pour une pellicule imaginaire. Mise en abîme de l'apparence... Deux par deux, ils se rendent chez l'hôte et la mascarade continue. Cinq néants se rencontrent, qui tentent par les conventions de confronter leurs vernis. Mais rapidement, le brillant s'écaille, violemment. Tout geste de communication est avorté car chacun, dans son doute inquiet,

dans sa confusion émotive, tue l'échange.

Ce petit monde disgracieux est cependant comique à son insu. La déstructuration de leurs réflexes conditionnés, le démantèlement de leur quotidien par un excès de formes appelle le rire souvent spontané, parfois grinçant. Quand la douleur se casse, la drôlerie s'échappe. Et tout se termine à la table de banquet, enfermée dans un quadrilatère, Babel tonitruant autour d'un poulet.

On connaissait déjà les talentueux Anversois d'Epigones pour les avoir vus aux Halles de Schaerbeek. l'an dernier, dans « Démons-tration ». Toujours sans parole, leur théâtre donne la même impression de drame sordide et drôle. Mais il semble que, cette fois, l'ensemble soit moins précis et plus lent, sans perdre cependant de cette vitalité tonifiante qui les caractérise.

C.D.

Jusqu'au 20 octobre, à 20 h 30