Archives du Théâtre 140


New danse, made in France. Dominique Bagouet présente au 140 'Déserts d'amour'



La Libre Belgique

21-11-1984

New danse, made in France

Dominique Bagouet présente au 140

« Désert d'amour »

Depuis l'avènement d'une politique de la danse en France, beaucoup de jeunes compagnies se sont vues octroyer les moyens de développer en toute sérénité leur propre langage chorégraphique. Ainsi Dominique Bagouet a pu, depuis 4 ans, implanter sa compagnie dans ce qui est devenu le Centre chorégraphique national de Montpellier. Le Théâtre 140 accueille (1) sa dernière création, après New York et Berlin : « Déserts d'amour », une danse sur musique contemporaine de Tristan Murrail, et classique, symphonies salzbourgeoises de Mozart, où la partition chorégraphique s'entrelace avec les phrases musicales alternées.

Minutieusement exécutée par les neuf danseurs de la troupe, la danse cherche à explorer la tension dramatique qui résulte de la rencontre de deux musiques aussi différentes. L'allure royale, un brin maniérée sur Mozart, succède à des gestes lents, puisés dans la danse indoue, dans les regards et les poses de bras, qui inspirent toute la chorégraphie. Elle se déroule sur une partition spatiale complexe, variée, telle une musique d'aujourd'hui, qui ne laisse jamais deviner d'où partira le pas suivant. Les costumes d'un autre temps, la succession de gestes tendres ou saccadés, subtilité des mains, agilité et vitesse des pieds, créent une atmosphère intrigante, mystérieuse, entre l'humour glacé des néo-punk et la courtoisie policée des danses de cour.

Malgré cette jolie tentative de rencontre avec la musique de Tristan Murrail, sans illustration ou contrepoint excessif, les danseurs de Dominique Bagouet restent plus à l'aise et mieux mis en valeur dans leur jeu sur Mozart. La tradition française, repérable surtout dans l'art des poses et la subtilité élégante du maintien, devrait être le terrain d'élection du chorégraphe.

Car sur d'autres sons transparaît trop l'influence du grand maître américain, Merce Cunningham, dont la maîtrise de l'espace et du mouvement pur reste inégalable. Cela dit, la jeune danse française, honorablement représentée par cette œuvre rigoureuse et sans prétention, a parfaitement raison de chercher du côté d'un nouveau classicisme les sources d'un style propre à son pays. Une fois l'influence américaine assimilée, il est bon qu'elle retourne à ses racines si riches d'où pourra partir un renouvellement en profondeur. Espérons que la politique privilégiée dont ils bénéficient actuellement sera le terrain d'élection d'une efflorescence de cet art en France dont le succès populaire est signe avant-coureur de changement.

Patricia KUYPERS

(1) Encore ce mercredi 31 au Théâtre 140.

Auteur Patricia Kuypers

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Déserts d'amour

Date(s) du 1984-11-19 au 1984-11-21

Artiste(s) Dominique Bagouet

Compagnie / Organisation