Archives du Théâtre 140

Le Drapeau Rouge

21-2-1985

Vous avez dit...

onanisme...?

Les temps changent. Pas toujours dans le sens d'un mieux. Les mœurs évoluent également. Et, là, c'est heureux. Incontestablement. Certaines pratiques hier jugées répréhensibles au nom d'on ne sait trop quels principes sont aujourd'hui considérées comme naturelles et bien innocentes. Ainsi ne se trouve-t-il plus guère que quelques psychologues attardés pour refuser l'existence et le besoin d'une activité sexuelle chez l'enfant.

Mais avant cela, combien de gosses rabroués, frustrés dans leur sexualité. Faut-il d'ailleurs remonter si loin dans le temps? Une conception étriquée de la religion ne nie-t-elle pas encore à l'heure qu'il est le droit au plaisir. En particulier, celui de la femme (et c'est une même vision du monde qui refuse hypocritement l'avortement). C'est là une problématique rarement abordée à la scène. Aussi convient-il de saluer ce « dossier-théâtre » qu'est Onanisme avec troubles mentaux chez deux petites filles, un spectacle dérangeant conçu et mis en scène par Jean-Michel Rabeux à partir d'une observation clinique d'un certain docteur Demetrius Zambaco en 1882. A l'époque, ses procédés thérapeutiques sont reconnus et pratiqués; trente ans plus tard, ce même Zambaco est devenu correspondant de l'Académie des sciences, membre associé de l'Académie de médecine, commandeur de la Légion d'honneur...

Un texte terrible que ces notes publiées alors dans la très sérieuse revue L'Encéphale. Terrible sous l'apparent souci scientifique. Et, sur scène, seule sur sa chaise, face au public (comme en position d'accusée, mais quel réquisitoire!), Claude Degliame, de noir vêtue (comme sa mère, précise-t-elle), jouant tous les rôles, les petites filles X et Y face à cette société qui les nie au plus profond d'elles-mêmes. Un réquisitoire, disais-je, plus qu'un plaidoyer: pour toutes ces femmes mutilées, autrefois et maintenant, celles sur lesquelles on pratique l'excision...

Francis CHENOT.

Au Théâtre 140, avenue Plasky 140, 1040 Bruxelles. A 20 h 30. Jusqu'au samedi 23 février.