Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

8-3-1985

Loisirs

« Othello », III, 3

Un spectacle fascinant et les images sont aussi trompeuses que les femmes

Inutile de rechercher dans ses souvenirs Laurence Olivier ou Orson Welles. Inutile même de relire, avant le spectacle audiovisuel d'André Ligeon-Ligeonnet, la scène 3 de l'acte III d'« Othello ». « Ce sont seulement des variations d'après Shakespeare, nous avait-il dit, mais c'est moins un texte qu'un scénario, écrit par une psychanalyste et un publiciste », le thème de la jalousie, du mouchoir, conduisant à la tromperie, aux pièges de l'image (« Libre Belgique » du 5 mars).

Le résultat est fascinant : une heure quinze de théâtre déstabilisé par la vidéo, un numéro de comédien conjugué aux artifices de la technique, Shakespeare revu par Andy Warhol sur la musique des films de James Bond, un spectacle minutieusement rodé où rien n'est laissé au hasard. Othello sort de l'écran, prend le micro et s'explique, tente d'éviter la fatalité de son destin, avant de retourner dans le monde des images. Derrière lui, un Iago blafard, une Desdémone délirante, un Cassio à tête de cochon se mêlent à des gros-plans dérangeants et à un Othello dédoublé, mais c'est le même comédien qui joue tous les personnages et qui ira jusqu'au bout de ce qu'a voulu Shakespeare, tandis que les pulsations d'un cœur qui bat toujours annoncent une mort inexorable. C'était écrit, on n'évite pas les pièges que l'on connaît, même si les images sont aussi trompeuses que les femmes.

J.H.

(Au Théâtre 140, jusqu'à samedi).