Archives du Théâtre 140

Le Soir

25-10-1985

Michel Lemieux au 140 : fabuleux!

La presse étrangère à écrit « fascinant », « hallucinant ». Que reste-t-il? Bon, allons-y pour fabuleux puisque cette Solide Salade navigue dans les limbes irréelles d'un monde pourtant très matériel.

Michel Lemieux joue la lumière, la musique, la voix. Il les rencontre physiquement, les caresse, les brise. Ses cordes vocales à la Klaus Nomi, à la Alfred Deller projettent des phylactères qu'il étire du bout des doigts. Marionnettiste-claviériste, il voit les notes, les regarde monter.

Sorte de Little Nemo au pays des merveilles de la technique, Lemieux ordonne son espace. Certes la musique vient de partout mais à un moment des bruits de voitures traversent horizontalement la scène. Lui, à une extrémité, dans une cage de lumière, évolue très verticalement. A l'opposé, des carrés emboîtés ferment l'image. Il n'est pas graphiste pour rien.

Peintures-mobiles

Les matières, les lignes, les formes sont autant de partenaires à inclure dans cet opéra de beaucoup de sous. L'entrée en Solide Salade est saisissante. Lemieux se fait samouraï blanc pour sabrer des projections, les dévier ou au contraire faire corps avec elles. On ne veut pas trop vous en dire mais pensez aux peintures mobiles de Calder. Vous voyez?

Paradoxalement ce show très esthétique n'est jamais... froid! Le sourire irrésistible d'enfant curieux de Michel nous invite à l'exploration. Les animations-néons, les empreintes-fluos, la lumière noire, les jeux de miroir et d'ombres sont des impressions furtives, des rêves que nous avons tous aperçus par une nuit de brouillard ou d'insomnie. Lui a su les garder pour nous les restituer éclatées. Multimédias, cette salade mixte l'est aussi par l'esprit. Le métissage des genres et des langues sont autant de « messages » de cet homme-sémaphore tout à fait déroutant! Inventif, talentueux à la Xe puissance, chaleureux, beau. Vous en voulez-encore? Courez donc compléter vous-même cette liste car il nous quitte demain.

SOPHIE CREUZ.

Au Théâtre 140, dernière ce vendredi, 20 h 30.